Dans le monde de la politique, il est malheureusement rare de dire merci, d’exprimer sa reconnaissance, de confier son admiration, plus encore son affection, à quelqu’un. Il faut être costaud, rude et peu porté aux sentiments, immanquablement assimilés à des mièvreries et de fait à une faiblesse rédhibitoire pour le combat électoral. Ce côté caricaturalement viril de l’engagement partisan m’a toujours insupporté. Militants, nous avons tous été inspirés par des idées, mais aussi par des parcours de vie qui ont forcé notre respect. Tel est mon cas et c’est pourquoi je veux ici dire merci du fond du cœur à Monique Cerisier-ben Guiga à quelques jours de la fin de son mandat sénatorial.
J’aurai du mal à imaginer le Sénat sans Monique. Et Monique sans le Sénat. Sans doute parce que notre rencontre date de la conquête de son siège au Palais du Luxembourg il y a bientôt 20 ans. Nous avions fait connaissance … à la gare de Luxembourg un soir de mai 1992. Monique, adhérente de la section PS de Tunisie, était en tournée pour présenter sa liste aux primaires de la Fédération des Français à l’Etranger. Nous avions échangé pendant des heures sur son ambition pour les communautés françaises à l’étranger et sa volonté d’agir, construite autour de son expérience de plus de 30 années en Tunisie. Expérience d’une épouse dans une famille biculturelle, d’une maman de trois enfants et aussi d’une enseignante passionnée.
La passion est sans doute la première des qualités de Monique. Comme un moteur inépuisable. Passion de justice, d’égalité, d’émancipation et aussi de paix. J’ai le souvenir de ses joutes homériques avec le Sénateur Jean-Pierre Cantegrit à l’Assemblée des Français de l’Etranger (AFE), de son combat victorieux pour la création de la 3ème catégorie solidaire d’adhésion à la Caisse des Français de l’Etranger, de sa proposition à Lionel Jospin de créer une allocation locale d’insertion au bénéfice des Français précarisés à l’étranger. Monique a été, toutes ces années durant, la voix des sans-voix de l’étranger, de tous ces compatriotes oubliés par la droite, parce qu’ils sont lointains et aussi, disons-le, un peu basanés.
Que d’injustices dénoncées, de discriminations pointées du doigt, de rappels aux valeurs et principes fondateurs de notre République ! Ne rien lâcher, tant dans l’opposition que dans l’exercice du pouvoir, voilà le travail formidable que Monique a su accomplir des années durant, luttant dans l’hémicycle du Sénat, en session de l’AFE et plus que tout sur le terrain, tout autour du monde, sans ménager sa peine, ni sa fatigue. La droite ne s’y est pas trompée, l’affrontant violemment. Des combats rudes, si ce n’est blessants, un temps même relayés jusque dans nos rangs, qui n’ont jamais entamé chez Monique le souci de convaincre, de fédérer, de lutter pied à pied, projet contre projet, avec la préoccupation du progrès contre l’électoralisme vain et la notabilité immobile.
Merci à Monique d’avoir porté toutes ces causes avec tant d’énergie et d’abnégation. Merci aussi à elle de nous montrer l’exemple en passant le témoin à une nouvelle génération. Une Sénatrice s’efface, une Présidente de Français du Monde – ADFE demeure. Nous continuerons à œuvrer ensemble, à gauche. Parce que pour moi la politique est affaire d’amitié et de fidélité, parce que le parcours de Monique a tant contribué au mien, je veux lui dire non seulement ma reconnaissance, mais plus que tout ma profonde affection.
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