Dans quelques jours, nous voterons pour le premier tour des Primaires Citoyennes. N’en déplaise à Jean-François Copé et à la direction de l’UMP, dont les « éléments de langage » très peu renouvelés sonnent désormais comme un disque rayé, l’accueil réservé par nos compatriotes à cette consultation inédite est partout favorable et encourageant, en France comme à l’étranger. La campagne en cours et les deux débats télévisés des dernières semaines y concourent. Il y a de la hauteur et de la tenue. Du respect mutuel et une volonté partagée, au-delà du choix que feront nos compatriotes, de construire à partir de ces Primaires une dynamique de succès et de changement politique pour notre pays.
L’un des thèmes que la campagne aura permis d’inscrire au rang de priorité est celui de la sortie du nucléaire. C’est une excellente chose. Voilà un sujet qui, en France, et jusque dans nos rangs, est trop longtemps resté tabou. Le débat était comme interdit. Le drame de Fukushima a changé le regard de l’opinion sur une énergie dont on ose enfin affirmer le caractère de transition. La sortie du nucléaire est un objectif pour tous les candidats aux Primaires Citoyennes. Je veux le voir comme un acquis de cette campagne, face au silence assourdissant de la droite et au statu quo vanté par Eric Besson, qui s’offusque publiquement que les socialistes puissent s’interroger sur cette question…
Comment et selon quel calendrier sortir du nucléaire ? Le nucléaire représente pas loin de 78% de la production d’électricité en France. L’Allemagne, quant à elle, part d’environ 22% et entend sortir du nucléaire au début de la prochaine décennie, ce qui implique d’impressionnants efforts comme aussi certaines obligations qui, de mon point de vue, ne sont pas toutes heureuses (importation d’électricité de France … d’origine nucléaire et mise en service de centrales thermiques supplémentaires, sans doute au charbon). Si sortir du nucléaire vise à répondre à un péril, il ne faut pas que cela conduise à y substituer un autre, tout aussi imminent : l’émission de gaz à effets de serre et donc le réchauffement climatique. C’est pour cela que, alors même qu’instinctivement je voudrais imaginer que nous avancions le plus rapidement possible, il m’apparaît nécessaire d’avancer par étapes pour une sortie pérenne du nucléaire.
C’est en effet un paradigme énergétique radicalement nouveau qu’il nous faut mettre en place et force est de reconnaître que nous partons en France de très loin. Notre réseau de transport d’énergie n’est pas préparé à absorber en masse les énergies renouvelables intermittentes comme le solaire ou l’éolien. Au-delà de l’effort massif qu’il faudra consentir au bénéfice de ces énergies (mon post du 18 septembre) , la modernisation du réseau est un chantier immense et tout aussi urgent à entreprendre si nous voulons réussir la transition vers la production décentralisée d’énergie, à l’opposé des grandes unités de production sur lesquelles repose aujourd’hui la politique énergétique de la France. C’est la tâche de bien plus d’une décennie, sans doute de 30 à 40 années au bas mot, pour réussir ce qui sera alors une réelle révolution.
Voilà pourquoi je pense que nous devons construire la sortie du nucléaire sur un échéancier précis et réaliste. Comme également sur un financement solide pour le démantèlement des centrales les plus anciennes. Comment faire ? Mobiliser le plus possible le grand emprunt, comme ce devrait être le cas également pour la modernisation du réseau de transport d’électricité et la R&D pour les nouvelles générations de technologies d’énergies renouvelables et le stockage encore balbutiant de l’énergie. La sobriété énergétique, autre obligation essentielle pour une sortie pérenne du nucléaire, peut être encouragée par l’outil fiscal. Les énergies renouvelables par un tarif d’achat garanti assorti d’un taux de digression annuel.
S’engager dans cette révolution énergétique est un devoir. C’est aussi une perspective enthousiasmante au plan citoyen, industriel et de l’emploi. Notre engagement et plus que tout notre action au gouvernement doivent prendre en compte la réalité financière, économique et technologique actuelle. Rien ne serait plus dangereux que de se laisser aller à une inflation de promesses impossibles à tenir. J’aime la proposition de réduction de la part du nucléaire à 50% faite par François Hollande pour 2025. C’est un objectif très ambitieux, jouable car finançable. Mais j’aime aussi le rappel par Martine Aubry qu’il faudra poursuivre cet effort au-delà de 2025. Et j’applaudis au plan solaire mis en place en Poitou-Charentes par Ségolène Royal, qui en a fait aujourd’hui l’une des régions phares en Europe pour le photovoltaïque.
C’est la droite qui ne veut pas de la sortie du nucléaire. C’est la droite qui ne prépare pas l’avenir de la France. Et c’est la gauche qui, si elle transforme l’essai des Primaires Citoyennes, devra assumer cette responsabilité. C’est ce pari-là que je prends.