S’il y a un développement au sujet duquel il convient de se féliciter à l’issue de l’annonce du plan de sauvetage de l’Euro par les Etats membres de l’Union européenne la nuit dernière, c’est l’effacement des dogmes et autres certitudes qui ont corseté des mois durant la riposte de l’Union face aux attaques spéculatives répétées contre la monnaie unique.
La Banque Centrale Européenne interviendra enfin sur le marché obligataire de la zone Euro et achètera des emprunts d’Etat. Il était grand temps. Les déclarations d’hostilité de Jean-Claude Trichet à cette éventualité vendredi dernier encore valent désormais à ce dernier un beau tête-à-queue politique. Tant pis pour lui.
L’inflexibilité de la BCE était devenue incompréhensible au regard des évènements de la semaine passée. Elle l’était tout autant au regard du droit européen, régulièrement invoqué pour souligner tout ce qui serait supposé impossible de faire, à ceci près qu’il n’interdit pas le rachat de dette via le marché secondaire. Cette initiative contribuera à relâcher la pression sur les taux d’emprunts consentis aux Etats membres en difficulté de la zone Euro.
Un fonds d’intervention européen de 750 milliards d’Euros est créé. Il permettra aux Etats en but à la spéculation financière de trouver la protection nécessaire en retour de stricts engagements de discipline budgétaire. Outre son volume, déterminant, cet instrument apporte aussi une touche symbolique essentielle après des mois de crise, l’affirmation de la solidarité des Etats membres entre eux.
En dépit de l’opposition initiale de l’Allemagne, les Etats membres ont choisi de garantir l’activité de ce fonds à hauteur de 440 milliards d’Euros. Il est heureux politiquement qu’outre ces garanties somme toute attendues, la Suède et la Pologne, qui n’appartiennent pas à la zone Euro, aient aussi décidé d’ajouter leurs propres garanties au projet. A contrario, au regard des circonstances et en dépit de l’incertitude gouvernementale régnant au Royaume-Uni depuis les élections générales de la semaine passée, il est permis de regretter que ce pays ne se soit pas associé au financement du plan européen. C’est un défaut de solidarité en temps de crise.
Reste que le plan de la nuit dernière ne s’attaque pas aux causes profondes de la crise. Les questions de gouvernance économique se posent toujours. Il faut à l’Union européenne une coordination budgétaire entre Etats membres, des ressources fiscales propres et la possibilité de recourir à l’emprunt. Sans saut fédéraliste de ce type, le plan risque bien en effet de n’offrir qu’une protection momentanée.
La spéculation reprendra car elle se faufile dans toutes les failles d’un dispositif que le manque de courage ou le défaut de clairvoyance ouvre. Il faudra débusquer la spéculation et lutter sans merci contre les établissements, institutions et autres richissimes individus qui l’ont encouragée. Ce sont souvent ceux que l’intervention publique avait maintenu à flot au pire de la crise de l’automne 2008. Les peuples ne peuvent être maintenus à la lisière de ce qui se joue en ce moment et se traduit par des plans d’austérité d’une rudesse extrême, en témoigne le drame social grec.
S’il est besoin d’Europe pour répondre à la crise, l’occasion est là aussi d’affirmer l’envie d’une Europe qui protège. Ce doit être une cause de rassemblement pour tous les Européens.
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