J’ai vécu avec beaucoup d’émotion la célébration des 50 ans du Traité de l’Elysée le 22 janvier à Berlin. S’asseoir comme député français dans ce qui fut le Reichstag, ce bâtiment tellement chargé d’histoire, et y entendre jouer la Marseillaise n’allait pas de soi. J’ai pensé à mes deux grands-pères, mobilisés comme des millions d’autres en 1939. J’ai pensé à Yvon, le cheminot de Pont l’Abbé, tombé au champ d’honneur en 1940, et à Jean, le boulanger de Quimerc’h, prisonnier des années durant à Lüneburg. Il faut une immense volonté pour tourner la page des tragédies et construire l’avenir ensemble. Ce fut le choix du Chancelier Adenauer et du Général de Gaulle, hommes d’Etat auxquels nous devons tant. Ce fut aussi celui des milliers d’anonymes, fondateurs des quelque 2 500 jumelages qui unissent aujourd’hui villes et régions de nos deux pays.
Je suis un enfant du Traité de l’Elysée. A Quimper, la frontière avec l’Allemagne n’était pourtant pas proche, mais l’époque était, en classe de 6ème, à l’apprentissage de l’allemand, aux échanges scolaires et aux amitiés outre-Rhin. J’ai bénéficié avec bonheur de tout cela. J’ai vu l’Allemagne pour la première fois à Fribourg. J’avais 13 ans. J’en étais revenu avec une petite tasse à l’effigie de la cathédrale que j’ai précieusement gardée depuis. Je n’imaginais pas qu’un jour, devenu adulte, ma vie professionnelle m’y conduirait et, plus encore, que j’y serais élu député. C’est aussi à cela que j’ai pensé mardi sur le coup de 14 heures, assis au premier rang de l’Hémicycle du Bundestag. J’ai revu ces jeunes années, mes professeurs, mes amis, et mes parents qui m’avaient encouragé.
J’aime l’Allemagne. Le dire peut parfois surprendre, comme si l’affect n’avait pas lieu d’être dans le débat public. Je n’imagine pourtant pas la politique sans ces émotions sincères. En conférence à Strasbourg la semaine passée, j’ai expliqué que nous devions retrouver la passion de l’autre. Je le pense profondément. Non pas pour commémorer – ce temps-là est passé – mais pour faire vivre une vaste communauté de projets structurants pour la France et l’Allemagne et plus loin pour l’Europe. J’ai développé ces idées hier soir devant le séminaire de Fischbachau, petit village des Alpes où se réunissent depuis 45 ans fonctionnaires bavarois et intervenants français. J’y ai essentiellement parlé de droit franco-allemand de la famille, de bilinguisme, de transition énergétique et de formation professionnelle. Le débat fut passionnant.
Il y a tant à faire. L’Allemagne, qui sort du nucléaire, a mis en place son « Energiewende ». La France prépare sa transition énergétique. Sur la sobriété énergétique, les énergies renouvelables, le stockage de l’énergie et sa distribution, il y a un gisement immense d’emplois et de création de richesses. France et Allemagne peuvent unir leurs forces, tant en recherche-développement qu’en phase industrielle. C’est la cause d’une ou de deux générations. Au bénéfice de nos deux pays, bien sûr, mais aussi de l’exportation. Et nous y parviendrons d’autant mieux que nous saurons structurer une offre franco-allemande ambitieuse en formation professionnelle, initiale comme continue, qui joigne la compétence technologique à l’agilité linguistique. Je souhaite que l’Office Franco-Allemand pour la Jeunesse (OFAJ) puisse être l’opérateur d’un tel projet.
J’ai la conviction que c’est autour de l’emploi, des opportunités de vie professionnelle et finalement de vie tout court que s’écrira l’avenir de la relation franco-allemande et de la jeunesse de nos deux pays. Ensemble, nous devons voir loin. C’est ce que demandaient lundi soir à Berlin les jeunes de l’OFAJ à Angela Merkel et François Hollande à Berlin. C’est aussi ce qu’exprimaient à leur manière hier les écoliers et collégiens de Bavière lors des célébrations du Traité de l’Elysée à Munich. De l’ambition, une perspective, une volonté, un idéal, une protection. Le franco-allemand n’est pas une fin en soi, il est une solution pour nos deux peuples et pour les défis du monde.
1 commentaire