Lorsque j’étais enfant en Bretagne, le nom d’André Bord ne m’était pas inconnu. Dans ma famille, engagée à gauche, j’avais appris qu’il était l’un des piliers du mouvement gaulliste. Il incarnait pour moi ce compagnonnage qui caractérisait ceux qui avaient cheminé avec le Général de Gaulle. La dimension populaire du gaullisme ne pouvait pas laisser indifférent, au-delà des divergences politiques. J’associais André Bord à cette dimension-là, je ne sais trop pourquoi. Mais le nom d’André Bord m’était familier aussi pour le football. Il était le président du RC Strasbourg, qui pratiquait un superbe jeu et avait conquis le titre national en 1979 sous les ordres de Gilbert Gress. Je crois même que le poster de l’équipe avait figuré un temps sur le mur de ma chambre. André Bord était sur cette photo.
Jamais je n’aurais imaginé me retrouver un jour en face d’André Bord. Il avait renoncé à ses mandats d’élu dans les années 1980. Il en avait été de même un peu plus tard pour le football et pour le sport. La vie prend parfois des détours insoupçonnés. Après mon élection à l’Assemblée nationale l’an passé, présidant le groupe d’amitié France-Allemagne, j’ai appris que je siégerais à ce titre à Strasbourg au Conseil d’Administration de la Fondation Entente Franco-Allemande (FEFA), fondée et présidée par … André Bord. Des courriers ont alors été échangés entre lui et moi, suivis d’une première rencontre à Ludwigsburg en septembre 2012. Il était accompagné par Lothar Späth, l’ancien Ministre-Président du Land de Bade-Wurtemberg. J’étais très impressionné.
La simplicité, la gentillesse et les attentions d’André Bord depuis lors m’auront beaucoup touché. Une lettre très personnelle, un mot chaleureux devant le Conseil d’Administration de la FEFA, un livret sur la Fondation Raoul-Clainchard qui lui était si chère, autant de petits gestes prévenants qui ne pouvaient pas laisser indifférent. Puis est venu le dialogue, malgré la différence d’âge et de parcours politique, sur l’avenir de la relation franco-allemande et le sens de l’action publique. Nous avions participé à un débat ensemble à Strasbourg en janvier, nourri d’anecdotes passionnantes et au cours duquel André Bord m’avait gentiment taquiné pour ma non-appartenance à la démocratie-chrétienne européenne. L’amitié franco-allemande était le fil conducteur de sa vie publique, sa passion. Il y aura consacré toute son énergie jusque son dernier souffle.
Ce matin, j’étais à la cathédrale de Strasbourg pour les funérailles d’André Bord, représentant le Président de l’Assemblée nationale Claude Bartolone. Emu, forcément, et triste aussi de ne pas avoir pu découvrir l’homme plus longtemps. Deux images, deux souvenirs me trottaient à l’esprit durant la magnifique cérémonie : la promesse de l’accolade républicaine que m’avait faite André Bord, lorsque je l’avais appelé pour son 90ème anniversaire, et sa caresse à mon petit Marcos, lorsqu’il l’avait rencontré en novembre au sortir d’une réunion de la FEFA. Un bambin d’un an à peine face au grand résistant, au ministre de trois présidents de la République, au député infatigable, au militant passionné de l’Europe et de la paix. Je raconterai cette histoire à Marcos lorsqu’il sera grand. C’est une page d’histoire que nous avons tournée aujourd’hui dans un mélange de peine et de gratitude, mais le message, la force et la générosité d’André Bord demeureront.
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