Les retraites complémentaires forment une part importante et croissante de nos pensions de retraite. Il importe de les défendre et de les sécuriser, en particulier dans le cadre transfrontalier, où la complexité du droit européen peut conduire à des interprétations divergentes d’un Etat membre de l’Union à l’autre. Depuis plusieurs mois, à l’occasion de mes permanences parlementaires en Allemagne, j’ai été saisi par de nombreux compatriotes, exposés une flagrante inégalité de traitement quant à la fiscalisation de leurs retraites complémentaires de source française par les autorités allemandes. Je me suis attaché à défendre leur cause au plus haut niveau, m’adressant, entre autres, au Ministre de l’Economie Wolfgang Schaüble, tout en tenant informé le gouvernement français de mes démarches.
L’inégalité de traitement trouve son origine dans la transposition de la loi allemande sur la coordination des systèmes de sécurité sociale en Europe et portant modification d’autres textes législatifs (Gesetz zur Koordinierung der Systeme der sozialen Sicherheit in Europa und zur Änderung anderer Gesetze – EUSozSichAnpG). Cette loi redéfinit fiscalement les retraites professionnelles provenant de sources de revenus étrangers. Ainsi, le Ministère des Finances, déléguant son application à la Spitzenverband der öffentlichen Krankenkasse, a opéré une nouvelle catégorisation des types de retraites étrangères, entrainant une différenciation du taux de prélèvement sur les cotisations sociales, applicable au 1er juillet 2011 entre les retraites générales et les retraites complémentaires françaises.
La décision du Ministère a été de classer les régimes complémentaires de retraites français dans la catégorie des Betriebsrente (retraites d’entreprises) au sens du §229 Abs. 1 Satz 1 Nr. 5 SGB, ce qui emporte pour conséquence l’assujettissement de ces revenus à un taux de prélèvement de 15,5% au lieu de 7,8%. Je conteste cette interprétation. Les Betriebsrente possèdent en effet un caractère facultatif (§1 de la Loi pour l’amélioration des retraites d’entreprises – Gesetz zur Verbesserung der betrieblichen Altersversorgung – §1 BetrAVG) alors même que la loi française n° 72-1223 du 29 décembre 1972 relative aux caisses de retraites complémentaires stipule en toutes lettres le caractère obligatoire de la cotisation auprès de ces organismes.
Au début du mois de mai, j’ai reçu une réponse du Ministère allemand de la Santé, à qui Wolfgang Schaüble avait renvoyé mon courrier initial. Cette réponse réfute mon raisonnement et invoque le droit d’effectuer un traitement différencié entre les retraites générales et assimilées et le régime spécifique des retraites complémentaires françaises. J’estime cette analyse fondamentalement erronée car elle heurte frontalement et sans la moindre justification le principe d’égalité de traitement entre citoyens européens tel que posé par l’article 18 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne. Elle conduit à la perte de près d’un mois de revenu pour les petites retraites. Je ne peux l’accepter en aucune manière.
Considérant avoir épuisé au plan politique les voies de recours possibles, je me suis résolu la semaine passée à saisir la Commission européenne afin qu’elle ouvre une enquête pour trancher ce différend et mette fin à l’injustice fiscale subie par plusieurs dizaines de milliers de nos compatriotes. Je mesure toute la difficulté de mon initiative. Reste que l’Union européenne, en laquelle je crois, est une communauté de droit et il convient de saisir dans ce cadre les moyens ouverts pour lutter contre les discriminations. C’est ma responsabilité de député et j’ai choisi de l’assumer pleinement.
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