Invité en qualité de président du groupe d’amitié France-Allemagne à l’Assemblée nationale, j’ai participé hier et avant-hier à Toulouse à la réunion annuelle du Praesidium du Bundestag et du Bureau de l’Assemblée. Cette réunion, qui se tient traditionnellement après le Conseil des Ministres franco-allemand, est comme un mini-sommet parlementaire. C’est d’ailleurs ainsi que l’avait présenté La Dépêche du Midi, le quotidien de la région Midi-Pyrénées. La délégation allemande était composée du Président du Bundestag Norbert Lammert, de cinq vice-présidents représentant chacun des groupes parlementaires (notamment les anciennes Ministres SPD de l’éducation et de la santé Edelgard Bulmahn et Ulla Schmidt) ainsi que d’Andreas Schockenhoff, président du groupe d’amitié Allemagne-France. De notre côté, étaient présents le Président Claude Bartolone, les vice-présidents de l’Assemblée nationale Laurence Dumont et Christophe Sirugue, la secrétaire de l’Assemblée Arlette Grosskost, la présidente de la Commission des Affaires européennes Danielle Auroi et moi-même.
A Toulouse, nous avons été reçus au Capitole par Pierre Cohen, maire de la ville et longtemps député de Haute-Garonne. Etaient également présents au dîner de travail nos collègues députés toulousains Emilienne Poumirol, Monique Iborra et Christophe Borgel. Notre programme comportait, entre autres, une visite passionnante du siège et des usines de montage d’Airbus à Blagnac. Nous avons pu rencontrer Tom Enders, CEO du groupe, et ses principaux collaborateurs. Nous nous sommes rendus dans le hall d’assemblage de l’Airbus A 380 et avons eu la chance de pénétrer dans l’un des avions déjà en construction. Nous avons aussi fait une halte pour grimper à bord de l’A 400 M, l’avion de transport militaire polyvalent d’Airbus. Comme mes collègues, j’ai été vivement impressionné par la conquête technologique que représentent de tels appareils. Nous ne pouvons qu’être fiers que pareils projets aient été permis par une coopération aéronautique européenne exemplaire, générant à Toulouse et Hambourg, des dizaines de milliers d’emplois directs et indirects.
A l’ordre du jour de ce sommet parlementaire franco-allemand, tenu à la Préfecture de la région Midi-Pyrénées à l’invitation du Préfet Henri-Michel Comet, figurait un débat sur l’investissement et l’emploi dans l’Union européenne. Les députés français, toutes tendances confondues, ont montré un intérêt pour l’instauration prévue par la coalition CDU-SPD d’un salaire minimum, à même de dynamiser la consommation intérieure en Allemagne et de bénéficier ainsi à l’activité économique en Allemagne et chez ses principaux partenaires. Sans surprise, c’est sur le pacte de responsabilité et les engagements de réduction des déficits et de l’endettement de la France qu’ont porté une partie des interventions de nos amis allemands. Le Président Claude Bartolone a souligné la nécessité de mobiliser les 120 milliards d’Euros affectés à la relance de la croissance par le sommet européen de Bruxelles de juin 2012 pour financer des projets structurants bénéficiant à l’industrie européenne et à l’emploi dans nos Etats.
Je suis intervenu à la suite de la députée verte Claudia Roth sur le besoin de donner un tour concret, tangible et mesurable aux décisions européennes. L’Europe ne parle plus aux Européens, qui doutent de sa valeur ajoutée. J’ai pris l’exemple des abus de la directive sur le détachement des travailleurs et le ressenti en Bretagne de ce que ces abus en Allemagne aient pu constituer une large part des raisons ayant conduit à la fermeture d’abattoirs, précipitant plusieurs milliers de salariés au chômage. J’ai indiqué que l’Ambassadeur d’Allemagne s’était déplacée à Quimper la semaine passée sur ce sujet et ai rappelé que c’est une volonté franco-allemande, en l’occurrence celle de Michel Sapin et d’Ursula von der Leyen, qui a permis l’accord de Bruxelles en décembre dernier sur la modification de la directive. J’ai également abordé la question de l’inégalité de taxation en Allemagne sur les retraites complémentaires selon qu’elles sont de sources française ou allemande, soulignant qu’une différence d’interprétation entre nos deux pays est à la base d’une pratique injuste qui affecte des dizaines de milliers de retraités et se place en rupture du droit européen de la sécurité sociale.
J’ai insisté sur la nécessité pour les parlementaires français et allemands attachés à la relation entre nos deux pays de s’affranchir de la seule logique diplomatique pour nouer directement les contacts avec le gouvernement du pays partenaire. J’ai mentionné ma récente visite au Ministre des Affaire européennes Michael Roth sur la fiscalité des retraites complémentaires et sur divers aspects du droit de la famille. J’ai proposé aussi, à l’instar de ma collègue Danielle Auroi, que des missions parlementaires communes entre le Bundestag et l’Assemblée nationale puissent être mises en place sur des sujets d’intérêt commun. Les parlementaires qui en seraient membres seraient ceux qui pratiquent la langue du partenaire afin de minimiser les coûts d’interprétation et de surtout permettre une intervention jointe devant l’Assemblée et le Bundestag. Cette proposition fera son chemin en cours d’année et pourrait déboucher sur des initiatives.
Un autre débat figurait à l’ordre du jour de cette réunion de Toulouse, cette fois sur la transition énergétique. Plusieurs intervenants, essentiellement les Allemands, ont ciblé le cadre législatif idéal permettant de réussir la sortie du nucléaire et de promouvoir les énergies renouvelables. Pour ma part, je suis revenu sur la récente décision du Conseil des Ministres Franco-Allemand d’avancer vers un – à ce stade mystérieux – « Airbus de la transition énergétique ». Issu professionnellement de ce secteur, je ne peux qu’applaudir à pareille décision. J’ai cependant souligné l’obligation de penser différemment que dans l’industrie aéronautique. Il ne peut en effet être question de fusions dans un secteur touchant tout à la fois à la production d’énergie, à son transport, à sa distribution (les réseaux intelligents), à son stockage, aux économies d’énergie ou bien encore au démantèlement des centrales nucléaires. C’est un secteur comptant à la fois de très grands groupes et aussi de petites entreprises très performantes. Cette hétérogénéité doit conduire à des partenariats, voire à des “joint ventures” dans un premier temps.
Nos gouvernements doivent être des facilitateurs, réunissant les différents acteurs industriels du secteur derrière une ambition commune : la réussite de la transition énergétique en France et en Allemagne, mais plus largement aussi dans le monde. La transition énergétique est en effet un immense marché pour nos entreprises. Je pense notamment aux Etats du Golfe Persique, à l’Inde et à la Chine, où les partenariats stratégiques franco-allemands espérés doivent pouvoir y offrir avec succès leurs solutions. C’est aux entreprises, encouragées par les gouvernements et les parlements de nos deux pays, d’appréhender ce qu’il est nécessaire de faire ensemble pour conquérir ces marchés. Comme Airbus aujourd’hui, une telle perspective peut être la cause de la prochaine génération de jeunes Français et Allemands, formés à la langue du partenaire et dotés d’un bagage académique solide par les cursus bi-diplômants de l’Université Franco-Allemande.
La réunion de Toulouse s’est achevée par une présentation des prochaines activités des deux groupes d’amitié. Le groupe allemand doit encore se reconstituer formellement. Ce sera chose faite sous quelques semaines. Andreas Schockenhoff et moi-même nous rendrons es qualité à la Maison des enfants d’Izieu le 6 avril prochain pour la commémoration des 70 ans de la rafle des enfants et des 20 ans de l’inauguration du Mémorial par le Président François Mitterrand. Nous y rejoindrons le Premier Ministre Jean-Marc Ayrault et le Président du Parlement européen Martin Schulz. A l’automne, un échange de députés sera organisé, qui verra une dizaine de députés français recevoir en circonscription et à l’Assemblée nationale durant quelques jours leurs « correspondants » allemands. Le groupe d’amitié à l’Assemblée nationale accueillera le 16 avril l’Ambassadeur d’Allemagne Susanne Wasum-Rainer, puis les anciens présidents de Saint-Gobain et de Siemens Jean-Louis Beffa et Gerhard Cromme. Il se rendra également ce printemps à l’Office Franco-Allemand pour la Jeunesse (OFAJ) pour une réunion avec les Secrétaires Généraux et plusieurs jeunes ambassadeurs de l’OFAJ.
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