Il y a quelques semaines ont eu lieu en Bosnie-Herzégovine des manifestations spectaculaires rassemblant l’ensemble de la population bosnienne, excédée par l’incurie d’une classe politique incapable d’offrir au pays une perspective au-delà du glacis de Dayton et de le sortir du marasme économique. Voilà bientôt 20 ans que la terrible guerre qui l’a déchiré a pris fin. Si les armes se sont tues, l’échange et la prospérité ne sont pas revenus. La faute à une organisation institutionnelle incompréhensible qui, certes, garantissait la paix, mais ne construit en rien l’avenir. 20 années après, il est juste malheureusement, s’agissant de la jeunesse bosnienne, de parler de génération sacrifiée. Plusieurs Bosnies vivent en définitive en parallèle, celle des Bosniaques, des Croates et des Serbes, mais aussi celle de la classe politique, toutes origines confondues, et celle des Bosniens. Que penser en effet des dérives de dirigeants en accord pour que rien ne change et prospérant sur la multitude de gouvernements et de parlements dans un pays de moins de 4 millions d’habitants ? Que penser de la corruption, endémique, et de la fiscalité débridée venant taxer les rares entreprises qui émergent et offrent de l’emploi ? Les Bosniens crèvent tout simplement de ne pas avoir de futur.
Je m’étais exprimé à Strasbourg en septembre dernier sur l’avenir institutionnel de la Bosnie-Herzégovine. Voici la vidéo de mon intervention devant l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe : https://www.pyleborgn.eu/2013/10/fonctionnement-des-institutions-democratiques-en-bosnie-herzegovine. Je n’en retire rien. J’y ajoute, six mois après, le sentiment d’avoir été un peu promené. Quelques jours avant ce débat en effet, un accord était intervenu à Bruxelles entre les différentes parties et le Commissaire européen Stefan Fülle pour que soit appliqué le fameux arrêt Seljic et Finci de la Cour Européenne des Droits de l’Homme de 2009 sur l’interdiction faite aux membres des minorités nationales ou aux citoyens refusant de se voir rattachés à la notion de “peuples constituants” de pouvoir se présenter aux élections aux élections à la Chambre des Peuples et à la Présidence du pays. Selon cet accord, l’application de l’arrêt devait intervenir dans les deux semaines. Il nous était d’ailleurs demandé à nous, parlementaires amis de la Bosnie-Herzégovine inscrits dans le débat, de modérer nos expressions afin de ne pas menacer l’accord. Nous avions entendu ce message. A l’arrivée pourtant, rien n’est intervenu. Tout reste encore à construire.
Dans ces conditions bien difficiles, je me réjouis que l’Assemblée nationale, en tandem avec le Parlement hongrois, ait remporté il y a peu l’appel d’offres européen pour un jumelage institutionnel avec les Parlements de Bosnie-Herzégovine, qu’il s’agisse de l’Assemblée parlementaire du pays, de l’Assemblée nationale de la République serbe de Bosnie, du Parlement de la Fédération bosno-croate ou de l’Assemblée parlementaire du district de Brcko. Ce jumelage s’inscrit dans le cadre de l’instrument de préadhésion à l’Union européenne. Il est doté d’un budget de 3,5 millions d’Euros, durera deux ans et reposera sur une vingtaine de missions à Sarajevo, Banja Luka (capitale de la République serbe de Bosnie) et Brcko. Il s’adresse aux assemblées parlementaires précitées et à leur personnel. Feront notamment partie des séminaires de formation des questions aussi importantes que le renforcement du contrôle parlementaire sur les gouvernements, la lutte contre la corruption et la coordination entre chacune des assemblées parlementaires du pays. Les bases du droit européen et de la relation avec l’Union européenne seront également abordées. La signature officielle du jumelage interviendra la semaine prochaine à Sarajevo en présence de mon collègue Marcel Rogemont, député d’Ille-et-Vilaine et président du groupe d’amitié France-Bosnie-Herzégovine à l’Assemblée nationale.
Je me félicite de ce développement, comme député des Français de Bosnie et aussi comme membre de la commission des affaires juridiques et des droits de l’homme de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe. Je ne pourrai pas faire le déplacement à Sarajevo le 11 mars, mais ai convenu avec l’administration de l’Assemblée nationale de me rendre en Bosnie dans les prochaines semaines à l’occasion de l’un des séminaires pour y intervenir. Ce pourrait être sur les bases du droit européen et le lien avec les institutions européennes. Je prendrai soin d’aller non seulement à Sarajevo, mais aussi à Banja Luka. Je suis heureux que la France et notre Assemblée, en ces temps difficiles pour la Bosnie, ne s’écartent pas de ce beau pays, complexe certes, mais attachant et doté de tant de potentiel économique et humain aussi. Je veux saluer le travail accompli à Sarajevo par l’Ambassadeur de France Roland Gilles, qui, avec son équipe, œuvre passionnément au rapprochement des uns et des autres dans les domaines politiques, économiques, culturels et même sportifs, comme le grand évènement co-organisé par l’Ambassade et la société du Tour de France (ASO) le 22 juin prochain pour la commémoration du centenaire de l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand d’Autriche-Hongrie le montrera. Ce jour-là, ce seront en effet des milliers d’enfants bosniens, revêtus chacun d’un maillot jaune, qui pédaleront ensemble derrière Bernard Hinault et Eddy Merckx entre Sarajevo (bosno-croate) et Sarajevo-est (serbe). En regardant l’avenir.
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