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Visite en Macédoine (12-14 juin 2014)

La Macédoine a été la troisième et dernière étape de mon voyage d’une semaine dans les Balkans occidentaux. Depuis son indépendance en 1991, le pays a su compter sur le soutien jamais démenti de la France, notamment au moment de la crise interethnique de 2001, qui avait failli le précipiter dans la guerre civile. La France avait joué alors un rôle décisif dans le processus de négociation de l’accord-cadre d’Ohrid, qui avait permis de désarmer les belligérants et relancer le dialogue politique, ainsi que dans la réforme de la Constitution macédonienne, conduite par Robert Badinter. Si la coexistence entre communautés, notamment slaves et albanaises, dure tant bien que mal depuis lors, la recrudescence d’incidents interethniques et de crimes de haine ces deux dernières années montre combien l’équilibre reste cependant fragile.

 

Les tensions politiques entre majorité (nationaliste – VRMO) et opposition (social-démocrate- SDSM) dans la vie politique sont une autre source d’inquiétude quant à l’évolution de la démocratie macédonienne. Le 24 décembre 2013, les députés de l’opposition avaient été expulsés par la force du Parlement à l’issue d’un débat budgétaire tendu. Ils ont par la suite boycotté les séances jusqu’aux élections législatives et présidentielle du 27 avril dernier, qui ont vu la reconduction de la majorité du Premier Ministre Nicola Gruevski et la réélection du Président Gjorge Ivanov. L’opposition refuse de reconnaître la validité des résultats, estimant le scrutin entaché de fraude, ce qu’observateurs internationaux et ONG ont confirmé. Les 34 députés de l’opposition social-démocrate ont démissionné, laissant le Parlement à la seule majorité nationaliste, alliée au parti albanais DUI.

 

Je me suis rendu au Parlement macédonien, mais n’ai pu y rencontrer malheureusement aucun député. J’y ai visité l’Institut parlementaire, unité en charge de la recherche et du soutien à la production législative. Que deviendra cet Institut, récemment créé avec le concours de la coopération suisse, si l’impasse politique dans lequel s’enfonce la Macédoine ne trouve aucune issue ? J’ai rencontré le Comité d’Helsinki pour les droits de l’homme, qui assure un suivi attentif des violations du droit électoral ainsi que de la violence et des crimes de haine. J’ai été impressionné par l’engagement de cette ONG et son courage militant tant la mobilisation est aujourd’hui risquée en Macédoine. La multiplication de procès en diffamation intentés aux voix d’opposition et l’absence de réelle liberté des médias écartent peu à peu la Macédoine de l’exercice démocratique.

 

L’opposition fait une erreur en ne siégeant pas au Parlement. Je me suis permis de le dire à la vice-présidente du SDSM Radmila Shekerinska, avec qui j’ai dialogué. C’est au Parlement et pas uniquement dans la rue qu’il faut mener le combat démocratique. Surtout si règne un climat oppressant d’intimidation à l’égard de la société civile, qui suscite peur et abattement. En ne siégeant pas, l’opposition se coupe de caisses de résonance internationales telles l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe ou l’Assemblée Parlementaire de l’OSCE. N’alimente-t-elle pas le découragement par son choix ? C’est par le débat contradictoire que la Macédoine progressera vers l’intégration européenne et atlantique. C’est par le même débat qu’elle trouvera la solution au problème de son nom, qui bloque aujourd’hui, en raison du veto grec, l’ouverture des négociations d’adhésion à l’Union européenne, en dépit d’un statut d’Etat candidat obtenu il y a bientôt 10 ans.

 

A Skopje, j’ai retrouvé avec plaisir l’Ambassadrice de France Laurence Auer, avec qui j’avais travaillé sur des projets environnementaux il y a plus de 20 ans. Madame Auer a eu la gentillesse de réunir  durant mon séjour le Comité d’orientation stratégique de l’Ambassade. Le soutien à la Macédoine dans son chemin vers l’Europe et le renforcement de la présence économique de la France dans le pays sont les objectifs de notre poste. Je me suis rendu à l’Institut français de Skopje, récemment rénové. Il compte plus de 700 apprenants et 500 inscrits à la médiathèque. Des efforts importants, sous la direction du COCAC Jean-Yves Lavoir et avec le soutien du Cercle francophone et de l’Association des professeurs de français, sont faits pour mettre en avant notre langue. La France accorde chaque année 7 bourses pour des étudiants macédoniens en master 2 et première année de doctorat.

 

J’ai visité l’Ecole française internationale de Skopje (EFIS). Elle compte actuellement 31 élèves de la petite section maternelle au CE2. En gestion parentale jusqu’en février dernier, elle est désormais gérée par Jean-François Le Roch, compatriote installé en Bosnie-Herzégovine, qui dirige aussi les écoles françaises de Sarajevo et d’Odessa. L’école vient d’être conventionnée par la Mission Laïque Française et offrira un cursus primaire complet dès la rentrée 2014. Les effectifs devraient doubler pour atteindre 60 écoliers en septembre. En parallèle, une commission locale des bourses a été mise en place au Consulat. Notre coopération linguistique inclut par ailleurs 7 sections bilingues dans des lycées macédoniens, où le français est enseigné à hauteur de 5 heures par semaine et qui comportent également l’enseignement en français d’une ou deux matières fondamentales. Un soutien est aussi apporté à la formation continue des professeurs de français.

 

Notre Ambassade et l’Ambassade d’Allemagne travaillent étroitement ensemble. J’ai accompagné l’Ambassadrice Laurence Auer à un séminaire consacré à l’histoire et au devoir de mémoire dans le contexte de la commémoration de la Première Guerre mondiale. Ce projet, soutenu par l’Office Franco-Allemand pour la Jeunesse, permet à 10 professeurs macédoniens – slaves et albanais – d’échanger sur l’histoire du Front d’Orient et de confronter des points de vue initialement divergents pour développer une approche commune, inspirée par l’approche du manuel d’histoire franco-allemand. La France accomplit en Macédoine un remarquable travail de mémoire. La Mission du Centenaire y a labellisé 7 projets, dont un ouvrage sur les lieux de mémoire du Front d’Orient, une exposition et l’ouverture d’un espace muséal au cimetière français de Bitola, situé dans le sud du pays, où reposent plus de 6 000 soldats. J’ai déposé une gerbe au cimetière français de Skopje, qui compte 1 000 tombes et 4 000 dépouilles dans l’ossuaire.

 

La région Basse-Normandie a mis en place depuis 2006 une remarquable coopération décentralisée, qui la lie à l’Etat macédonien sur des projets touchant à la gouvernance locale et au renforcement des capacités des communes et régions. Mes collègues députés du Calvados Philippe Duron et Alain Tourret en ont été les chevilles ouvrières. Un nouveau programme triennal est en place depuis 2013, qui couvre les nouvelles technologies de l’information, la jeunesse, la protection du patrimoine, les droits de l’homme et la mise en valeur touristique des sites du Front d’Orient, en lien avec le Mémorial de Caen. Cette coopération entre la Basse-Normandie et la Macédoine a conduit 8 jumelages de communes. La ville de Skopje est, quant à elle, jumelée avec Dijon et les deux villes viennent de s’associer à Zagreb et Turin dans le cadre d’un appel européen à projet consacré à l’urbanisme.

 

J’ai pu rencontrer la communauté française à l’occasion d’une réception organisée à la Résidence de France. J’ai également tenu une permanence et une réunion publique de compte-rendu de mandat à l’Institut français. Notre communauté en Macédoine compte un peu plus de 200 compatriotes inscrits au registre des Français de l’étranger. Plus de la moitié d’entre eux possèdent la nationalité macédonienne. Ils sont pour l’essentiel installés à Skopje. En outre, beaucoup de Français d’origine macédonienne, installés en France, reviennent régulièrement en Macédoine. Avec les services de l’Ambassade, j’ai pris connaissance du plan de sécurité, remis à jour et validé il y a un an. Dans un pays où le risque sismique est important – Skopje avait été ravagé par un tremblement de terre en 1963 – l’organisation de notre communauté et la mise à disposition de moyens sont en effet essentielles. Un mémento de sécurité a ainsi été adressé à tous les Français inscrits au registre et remis à tous les nouveaux arrivants.

 

La France doit plus que jamais être aux côtés de la Macédoine, a fortiori en raison des difficultés qu’elle traverse. Il existe en Macédoine une attente à l’égard de la France. Nous n’y sommes pas perçus comme n’importe quel pays. La présence du Président François Hollande avec les chefs d’Etat des pays issus de l’ex-Yougoslavie l’an dernier à Brdo a ouvert un espoir transcendant tous les nationalismes et les rancœurs. Cet espoir existe et il importe que notre pays, dans la relation bilatérale comme par son engagement européen, le fasse vivre au contact de la Macédoine. La couverture de presse durant plusieurs jours cette semaine de la lettre de félicitation du Président Hollande au Président Ivanov pour sa réélection est la preuve que la France compte. Construisons sur cette confiance pour ramener la Macédoine vers l’Etat de droit, vers le développement économique et vers l’Europe, son destin.

 

Je remercie de tout cœur l’Ambassadrice Laurence Auer et ses collaborateurs pour la gentillesse de leur accueil à Skopje.

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