J’ai effectué un voyage de deux jours à Berlin en cette fin de semaine. Je souhaitais en particulier me rendre dans l’une des 19 kitas franco-allemandes de la ville ainsi que dans l’une des 4 Europaschulen offrant un parcours ou cursus bilingue allemand-français. Beaucoup d’initiatives ont en effet été prises ces dernières années, que je connaissais par mes amis Philippe Loiseau et Natacha Boroukhoff, conseillers consulaires, sans cependant avoir eu la chance et le temps de les voir in situ. Ma première étape aura été pour la kita Coccinelle à Prenslauerberg, où m’ont gentiment accueilli Diane Sinizergues, l’une des mamans gestionnaires, et tout le personnel. L’aventure humaine derrière la kita m’a beaucoup touché. Ce sont en effet des années de travail et une passion franco-allemande inébranlable, partagées par quelques couples franco-allemands motivés, qui ont permis à la kita de voir le jour. Il fallait trouver le local et le rénover. Il fallait aussi obtenir les autorisations nécessaires du Sénat de Berlin. Et il fallait enfin réunir le budget nécessaire pour que l’aventure prenne forme.
Aujourd’hui, la kita Coccinelle, ce sont 23 bambins joyeux, âgés de 1 à 6 ans, et une belle liste d’attente. Car la population franco-allemande est jeune à Berlin et, surtout, elle croît chaque année de manière substantielle. Les parents gestionnaires sont des bénévoles dont on ne parlera jamais assez. Faire vivre la kita, c’est parler régulièrement avec le Sénat de Berlin, l’Office Franco-Allemand pour la Jeunesse, et certaines fondations qui apportent une aide financière précieuse. C’est aussi prendre un emprunt qui, s’il est presque remboursé désormais, n’est pas un exercice initialement sans risque. A Coccinelle, par rotation chaque année, 3 parents assument dans le bureau de l’association les responsabilités essentielles des relations avec le Sénat, de la gestion du personnel et de la trésorerie. J’ai pu échanger avec plusieurs éducatrices sur le concept de « kitanelle », qui cumule tout à la fois les activités initiales d’une crèche et celles d’une école maternelle avec l’objectif de conduire les enfants à l’autonomie.
Le personnel de la kita est français ou allemand. L’égalité entre les deux cultures est impressionnante. Chacun passe d’une langue à l’autre, des enfants aux éducateurs. Au sortir de la kita, les enfants sont réellement bilingues. Commence alors une difficulté pour les parents, qui est de trouver dans l’environnement berlinois une offre scolaire permettant de prolonger cet acquis et le renforcer. Cela peut notamment se faire par l’une des 4 Europaschulen de Berlin qui proposent un enseignement bilingue. Reste cependant que ces 4 écoles sont insuffisamment nombreuses au regard des attentes des parents et le risque existe que l’acquis de la kita se perde si une solution vers un cursus primaire bilingue n’est pas obtenu. Il y a clairement besoin d’un travail renouvelé des autorités françaises et berlinoises sur ce sujet. J’étais intervenu l’an passé auprès de l’Ambassadeur Maurice Gourdault-Montagne à ce propos.
Travailler dans une kita est passionnant, mais peut être compliqué aussi lorsque se posent les difficultés malheureusement récurrentes de reconnaissance de diplômes. Ainsi, chaque éducatrice ou éducateur venant de France comme professeur(e) des écoles doit demander une reconnaissance formelle de son diplôme, exercice lent et fastidieux, qui requiert en outre de repasser un certain nombre de matières en examen. Cette situation est à l’évidence insatisfaisante pour les éducateurs comme pour les crèches, au point que certains Français ont entrepris de recommencer toutes leurs études pour obtenir un diplôme allemand. Le Sénat de Berlin a été saisi, mais les choses évolueront-elles vers plus de souplesse ? Rien n’est moins sûr. Ce sont des questions à aborder entre Français et Allemands, sans doute d’ailleurs par Jean-Marc Ayrault et Annegret Kramp-Karrenbauer dans le cadre de la mission jointe sur tous les projets citoyens que leur a confié le mois passé le Conseil des Ministres franco-allemands. Il faudrait aussi assouplir les conditions relatives aux diplômes et également développer davantage les échanges de stagiaires éducateurs entre les deux pays, comme prolongement logique du programme Elysée 2020 (labellisation de 200 kitas franco-allemandes, dont Coccinelle).
De Prenslauerberg, je me suis rendu à Neukölln pour visiter la Regenbogenschule. C’est l’une des 4 écoles de la ville proposant un cursus bilingue en français et gratuit. 150 des quelque 630 écoliers de la Regenbogenschule sont inscrits dans le cursus bilingue. Cela représente 7 classes pour des écoliers âgés de 6 à 12 ans. J’ai assisté au cours de français d’une classe dont les élèves avaient entre 9 et 10 ans. J’ai été frappé par le niveau d’engagement et de langue des enfants. Dans un quartier populaire comme Neukölln, c’est aussi un bel exercice de mixité sociale que ces activités bilingues permettent de faire vivre. Au point d’être victime du succès et de devoir désormais vivre avec une liste d’attente conséquente. J’ai eu le plaisir de raconter aux élèves la vie d’un député. J’ai rencontré la directrice et plusieurs enseignants de l’école ainsi qu’une maman d’élève. J’ai été marqué par le succès de l’école, qui mérite attention et soutien, comme les autres 3 établissements similaires de la ville. L’offre scolaire pour les enfants français de Berlin doit également être approfondie, entre le réseau de l’AEFE et les kitas et écoles bilingues, afin de mieux faire le pont vers les études (courtes ou longues) et plus tard la vie professionnelle, où la pratique courante des deux langues est un atout considérable.
Durant mon séjour, j’ai participé à l’Ambassade à la clôture de la conférence « die Pariser Zukunft in Berlin » en compagnie de l’Ambassadeur Philippe Etienne et de l’ancien patron de la Caisse des Dépôts Robert Lion, aujourd’hui élu régional d’Ile-de-France. J’ai rencontré le président d’EDF Allemagne et président du club d’affaires franco-allemand Gonzague Dejouany pour un échange sur les partenariats industriels nécessaires entre les deux pays et susceptibles de les engager vers des projets structurants économiquement et mobilisateurs pour la jeunesse. J’ai reçu les délégations du personnel de l’Ambassade et de l’Institut français ainsi que Florence Deppe, la présidente de l’association de parents d’élèves du Collège Voltaire. De toutes ces réunions, je retire une longue « shopping list » d’interrogations et revendications concernant lesquelles j’interrogerai le gouvernement dès la semaine prochaine.
Je devrais être de retour à Berlin pour la célébration de la fête nationale du 14 juillet, entre Hambourg où je me rendrai aussi pour la même occasion et Innsbruck, où je me trouverai le 15 juillet pour une fête nationale décalée d’une petite journée.
Laisser un commentaire