Je me permets de revenir vers vous en cette fin de mois de mai pour un point d’information relatif au remboursement attendu par les contribuables non-résidents des sommes indûment perçues par l’Etat au titre de la CSG et de la CRDS sur les revenus immobiliers, majorées bien sûr des intérêts.
Depuis l’arrêt de Ruyter de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) du 26 février dernier, j’ai régulièrement interrogé le gouvernement, notamment au moyen de questions écrites déposées les 26 février et 27 avril, sur le timing et la méthode de remboursement qu’il retiendrait. Je l’ai également pressé d’agir sans attendre la réception formelle par le Conseil d’Etat de la réponse de la CJUE à sa question préjudicielle, l’arrêt de Ruyter étant en effet dès à présent revêtu de l’autorité de la chose jugée. Le gouvernement n’a malheureusement pas répondu à mes questions écrites. Il souhaite attendre la réception formelle par le Conseil d’Etat (sans doute en juin) pour définir les règles de remboursement. Je sais en revanche que 500 millions d’Euros ont bien été provisionnés à cette fin.
En tout état de cause, il ne peut être mis en place de règles de remboursement qui dérogent à la jurisprudence de la CJUE. Ce qui importe à la CJUE est l’absence de traitement moins favorable des contribuables en raison de l’origine européenne (plutôt que nationale) de l’invalidation du prélèvement par le juge et le fait que ces règles ne se traduisent pas par les plus grandes difficultés, voire même par l’impossibilité d’obtenir le remboursement des sommes concernées. Dès lors, le remboursement devra obéir au dépôt d’une réclamation individuelle (par opposition à un remboursement automatique) puisque le principe de la réclamation individuelle est la règle de droit commun en France.
Néanmoins, pour respecter le principe d’égalité, j’estime nécessaire que l’Etat informe tous les contribuables (1) des conséquences de l’arrêt de Ruyter et (2) des modalités à suivre pour obtenir remboursement. Cette information doit, de mon point de vue, se faire sur base d’un courrier individuel des services fiscaux. Il serait contraire à la jurisprudence de se contenter de la mettre en ligne sur un site de l’administration fiscale. Une démarche individuelle d’information est requise, a fortiori vers des personnes vivant hors de France et donc moins au fait des développements politiques et juridiques dans notre pays.
Une interrogation se pose également quant au remboursement des sommes perçues au titre de l’année 2012. L’article L 190, alinéas 3 et 4 du Livre de procédure fiscale dispose en effet que « sont instruites (…) toutes actions tendant (…) à la restitution d’impositions indues, fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure, révélée par une décision juridictionnelle ou par un avis rendu au contentieux. Ces actions (…) se prescrivent par deux ans, selon le cas, à compter de la mise en recouvrement du rôle ou de la notification de l’avis de mise en recouvrement ou, en l’absence de mise en recouvrement, du versement de l’impôt contesté ou de la naissance du droit à déduction ». En clair, cela veut dit que la jurisprudence de la CJUE ne s’opposerait pas au non-remboursement des sommes perçues au titre de l’année 2012.
Plaider l’insuffisance de ce délai est possible, mais c’est alors à la bienveillance du gouvernement et non au respect du droit européen qu’il faudrait faire appel. Je pense qu’il le faut car l’Etat n’a jamais fait connaître aux contribuables l’existence de la procédure en manquement engagée au début de l’année 2013 par la Commission européenne contre le prélèvement de la CSG et de la CRDS sur les revenus immobiliers des non-résidents, à mesure que progressait en parallèle le contentieux introduit devant la justice française par Monsieur de Ruyter. Opposer que seuls seraient remboursés au titre de l’année 2012 les contribuables qui en auraient préalablement introduit la demande avant le 31 décembre 2014 me semblerait inéquitable.
Une dernière question est en suspens : le remboursement doit-il concerner seulement les non-résidents établis dans l’Union européenne, la Norvège, l’Islande, le Liechtenstein et la Suisse ou doit-il couvrir le monde entier ? L’arrêt de la CJUE n’a certes autorité de la chose jugée que dans l’espace européen, mais il m’apparaît incontournable, au titre de la libre circulation des capitaux comme du respect du principe d’égalité devant la loi fiscale et devant les charges publiques, de soulever la question de l’opportunité d’un remboursement hors de l’Union européenne aussi. Ménager un différentiel de prélèvements et d’imposition entre non-résidents (et de fait entre Français de l’étranger) serait politiquement et juridiquement malheureux.
Les conséquences de l’arrêt de Ruyter sont considérables. L’arrêt couvre les prélèvements sociaux sur tous les revenus du capital des non-résidents, et pas seulement les revenus immobiliers. Le gouvernement doit tendre à un cadre fiscal sûr concernant ces prélèvements. Au-delà des remboursements, c’est un chantier qu’il convient de suivre de près tant il est essentiel pour les Français de l’étranger.
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