Monsieur le Premier ministre,
Je souhaite par cette lettre ouverte attirer votre urgente attention sur la situation des enfants réfugiés.
Chaque jour, dans les eaux de la mer Egée, à l’arrivée à Lesbos, sur la route des Balkans, dans la tempête, le froid et la neige, des enfants meurent. Lundi dernier 1er février, un photojournaliste travaillant pour l’Agence France Presse, Ozan Köse, alerté d’un naufrage alors qu’il se trouvait en reportage sur la côte turque, écrivait sur un blog de l’AFP : « Quand j’arrive sur la plage, le premier cadavre que je vois est celui d’un bébé. Il doit avoir 9 ou 10 mois, il est chaudement couvert et porte un bonnet. Une tétine orange est accrochée à ses habits. A côté de lui gisent un autre enfant, âgé de 8 ou 9 ans, ainsi qu’une adulte, leur mère peut-être ». Ozan Köse conclut : « Je me demande ce que je ferais si ce bébé était à moi. Je me demande ce qui est en train d’arriver à l’humanité ».
Je me le demande aussi, Monsieur le Premier ministre. L’Europe peut sauver une monnaie, milliards d’Euros à l’appui, mais échoue à sauver de petites vies, perdues par centaines, perdues par milliers. Mais dans quel monde de folie, de lâcheté et d’irresponsabilité sommes-nous ? Selon l’UNICEF, plus d’un tiers des réfugiés en ce moment sur la route des Balkans sont des enfants, des enfants qui risquent la séparation de leurs parents, les abus, la traite, la maladie, la mort. La semaine passée, EUROPOL estimait à 10.000 le nombre de mineurs non-accompagnés disparus entre la Méditerranée et le coeur de l’Europe ces derniers 18 mois, victimes pour la plupart de la criminalité organisée.
La cause des enfants est sacrée. Ce qui se passe est une tragédie et une honte pour l’Europe. L’inaction collective est un crime par défaut. Comme député français, comme rapporteur de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe sur la mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, comme citoyen et comme père, cette situation, en flagrante violation des droits de l’enfant, me bouleverse et me révolte. Les organisations internationales comme l’UNICEF, les organisations non-gouvernementales comme Save the Children, le Réseau des Défenseurs européens des enfants (ENOC) sonnent l’alarme. Il faut agir maintenant, sans tarder un instant de plus, loin de tous les égoïsmes nationaux, dans le respect absolu de l’intérêt supérieur de l’enfant, souligné par le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe.
Je vous appelle, au nom de la France, à demander en urgence à la Commission européenne l’élaboration et la mise en place d’un plan d’action global pour tous les enfants réfugiés, et à assurer que notre pays prendra sa pleine part des responsabilités.
Pierre-Yves Le Borgn’
(illustration : Le Monde)
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