La Commission européenne pour la démocratie par le droit, organe consultatif du Conseil de l’Europe plus communément connu comme la Commission de Venise, a publié ce lundi 14 mars son avis sur le projet de loi constitutionnelle de protection de la Nation. Il fait suite à la saisine de la Commission par l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe (ACPE) sur la base du rapport que j’avais présenté en séance à Strasbourg le 27 janvier dernier. La Commission de Venise, créée en 1990 et composée de professeurs de droit et de juges constitutionnels d’une soixantaine de pays, opère dans une série de domaines, dont celui de l’assistance constitutionnelle.
J’avais souligné devant l’APCE que le rôle de la Commission de Venise n’est pas de juger les initiatives des Etats membres, mais de leur apporter en tant que de besoin l’éclairage d’un organe international composé de praticiens reconnus afin de faciliter une démarche constituante dans le respect des normes européennes et internationales en matière de protection des libertés publiques et droits fondamentaux. Cette assistance existe et doit pouvoir être mobilisée pour construire la solidité juridique et le consensus politique nécessaires à tout exercice constitutionnel. C’était le sens de la saisine votée par l’APCE le 27 janvier.
Je me félicite du contenu de l’avis (Cf. pièce jointe en fin d’article) adopté par la Commission de Venise. La Commission souligne que la constitutionnalisation de l’état d’urgence « devrait avoir pour but d’accroître les garanties contre d’éventuels abus sous forme de déclenchement ou prorogation de l’état d’urgence sans réelle justification pour protéger la vie de la Nation ou de prises de mesures de police qui ne sont pas strictement justifiées par l’état d’urgence ». Elle estime que « la constitutionnalisation ne devrait en aucun cas résulter en un blanc-seing au profit du législateur, qui posséderait ainsi la possibilité de porter des dérogations plus que substantielles au statut des libertés, même après la déclaration de l’état d’urgence ».
Dès lors, elle recommande de modifier l’article 36-1 adopté en première lecture par l’Assemblée nationale pour préciser « que tant « le péril imminent résultat d’atteintes graves à l’ordre public » que « les évènements présentant … le caractère de calamité publique » doivent être « de nature à menacer la vie de la Nation » et que « les autorités civiles peuvent prendre des mesures pour prévenir ce péril ou faire face à ces évènements seulement dans la stricte mesure où la situation l’exige » et dans le plein respect des droits et libertés non-soumis à dérogation ». La Commission recommande par ailleurs de prévoir que la prorogation par le Parlement de l’état d’urgence ne puisse être faite qu’à la majorité qualifiée.
Concernant le second article du projet de loi constitutionnelle, la Commission de Venise estime que l’introduction d’un régime « commun à tous les Français » de déchéance de la nationalité « ou des droits attachés à celle-ci … n’est pas contraire per se aux normes internationales » de protection des droits de l’homme et libertés fondamentales. Elle précise cependant que « toute décision de déchéance doit respecter les principes du procès équitable et de la proportionnalité ». De ce fait, elle recommande « de prévoir à l’article 34 de la Constitution qu’une personne peut être condamnée « à la peine accessoire de la déchéance de la nationalité française ou des droits rattachés à celle-ci ».
Les travaux de la Commission de Venise font autorité. J’espère que le Parlement, à commencer par le Sénat dont le vote en première lecture est attendu cette semaine, saura se saisir des recommandations faites. Ce d’autant plus que la Commission des lois du Sénat la semaine passée a introduit des changements substantiels à l’article premier du projet de loi constitutionnelle portant notamment sur le rôle du juge des libertés individuelles. A la lecture de l’avis de la Commission de Venise, le respect du principe de proportionnalité est l’une des clés dont le Parlement doit s’emparer, en y insérant au besoin une référence explicite dans le projet de loi. Avec cet éclairage, chaque parlementaire pourra, je l’espère, faire plus clairement en conscience le choix de soutenir ou non la révision constitutionnelle.
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