Un week-end de 14 juillet s’achève, marqué par la tragédie. Il y a 3 jours, je m’envolais pour Vienne. Ce voyage autour de notre fête nationale devait ensuite me conduire à Innsbruck, Berlin et Francfort. J’avais en poche un petit discours, inspiré du billet que j’avais publié la veille sur ce site (lire ici). Nous sommes la France, voilà ce que je voulais exprimer, heureux d’avoir ressenti durant le Championnat d’Europe de football organisé chez nous le bonheur des Français de se retrouver après des mois d’épreuve. Ce discours, je l’ai tenu le jeudi 14 à l’Ambassade de France à Vienne. Le 15 au matin, quelques heures après le drame de Nice, à Innsbruck, puis le lendemain à Berlin et Francfort, j’ai gardé l’expression « nous sommes la France », mais dans un tout autre contexte, celui, terrible, de la souffrance et du deuil, celui de la révolte et du combat, celui aussi de la protection de nos droits et libertés.
L’horreur a de nouveau frappé, ciblant notre pays le jour de sa fête nationale, lorsque (et parce que) des millions de personnes le soir venu se réunissent pour célébrer la France et assister au feu d’artifice. C’est un rituel républicain qui rassemble dans chaque ville et village. J’aimais le couvrir, photos à l’appui, dans mes lointains étés de journaliste en Bretagne. Le 14 juillet, c’est la joie, c’est l’été, c’est le bonheur d’être ensemble, c’est le partage, c’est notre art de vivre. Et c’est précisément cet art de vivre qui a été attaqué. La liberté et la fête, voilà tout ce que le terrorisme et le fanatisme rejettent, dévoyant au nom de leur idéologie de mort une belle religion de paix, s’en prenant à des innocents, à des enfants, indistinctement, pour faire le plus mal possible, pour humilier, pour semer la peur, pour dresser les Français les uns contre les autres, pour nous faire renoncer à ce que nous sommes.
Ne lâchons rien. Contre le terrorisme, avec toutes les armes du droit, la lutte doit être totale et frontale. Loups solitaires ou bandes organisées, les terroristes doivent être combattus sans merci et sans faiblesse, en France et ailleurs. La France n’a pas à s’excuser, encore moins à renoncer à ce qu’elle est, à ce à quoi elle croit, à ses combats pour la paix et la liberté, chez elle et dans le monde. La sécurité est un droit, qu’il nous faut assurer et renforcer. Au prix de nos libertés ? Non. Ce n’est pas la liberté qui cause le terrorisme. Ce n’est pas non plus la liberté qui empêche de le combattre. Opposer la liberté et la sécurité est une erreur. Mardi soir à l’Assemblée nationale, au regard des circonstances, je voterai en faveur de la prolongation pour 3 mois de l’état d’urgence, mais je me refuse comme parlementaire à ce que la France glisse de manière permanente dans un quelconque régime d’exception.
J’ai regretté les propos polémiques de quelques ténors de la droite vendredi. Dans de pareils moments, il faut savoir faire preuve de dignité, de décence et de sang-froid. Ce n’est pas dans l’hystérie, les mises en cause et autres calculs tactiques que l’on vaincra le terrorisme, c’est en se rassemblant en responsabilité dans la clarté et dans l’action. C’est pour cela que l’expression publique, a fortiori gouvernementale, doit être juste et exhaustive, au-delà de la compassion et de l’assurance de la volonté de lutter. Il faut davantage expliquer ce que nous entreprenons, les efforts que nous déployons, les succès engrangés, les limites et les difficultés rencontrées aussi. Cette cause doit unir. Les Français veulent comprendre. Je pense à toutes les victimes de Nice, à leurs familles. Et je veux dire mon soutien et mon admiration à l’ensemble des forces de l’ordre et des personnels médicaux, mobilisés pour nous.
Sur la route de ces 3 jours, à Vienne, Innsbruck, Berlin et Francfort, j’ai rencontré tant de générosité, d’engagement et d’humanité. C’était digne et bouleversant. Merci à nos Ambassadeurs en Autriche et en Allemagne, Pascal Teixeira da Silva et Philippe Etienne, merci à Franz Pegger et Béatrice Gaigg à Innsbruck, merci à Bertrand Jeanneté et à toutes les personnes actives dans les stands de la Frankreichfest sur la Pariserplatz à Berlin, merci à la sénatrice Claudine Lepage et au conseiller consulaire Philippe Loiseau, merci aux militants de Bleu-Blanc-Rose présents à la Strassenfest LGBT de Nollendorfplatz à Berlin, merci à Anne Henry-Werner et aux bénévoles des 14 associations rassemblées pour le bal populaire sur le campus de l’Université Goethe à Francfort. La France à l’étranger, c’est cette image-là, attentive et belle, que je lui connais.
Voici plus bas une partie de mon intervention à l’Institut franco-tyrolien le 15 juillet, quelques heures après l’attentat de Nice :
« (…) Heute ist wieder ein sehr schwieriger und trauriger Tag für Frankreich. Gestern abend haben die Terroristen in Nizza einen Anschlag verübt. Zuerst möchte ich hier in Innsbruck meine Solidarität mit den Opfern bekunden. Ich möchte auch ihrer Familie mein Beileid aussprechen. Diese Menschen – Kinder, Frauen und Männer – waren auf der Promenade des Anglais, um die Freiheit, die Gleichheit und die Brüderlichkeit zu feiern. Sie kamen aus der ganzen Welt. Nie werden wir diese Menschen vergessen.
Die Terroristen wollen unsere Freiheit und unsere Lebenskunst vernichten. Sie werden ihr Ziel nie erreichen. Ganz im Gegenteil wird Frankreich einen schonungslosen Kampf gegen den Terrorismus weiterführen. Ebenfalls ist es notwendig, dass wir – Mitgliedsstaaten der Europäischen Union – zusammenarbeiten, um diesen Kampf für Sicherheit, Freiheit und für unsere gemeinsamen europäischen Werte zu gewinnen. Es ist die größte Herausforderung für die Zukunft und die Stabilität unseres Kontinents (…)“.