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CSG-CRDS : la France doit arrêter de ruser avec le droit européen

J’avais déposé en fin de semaine passée un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2017 visant à supprimer les prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine des personnes non-affiliées à la sécurité sociale française. Depuis juillet 2012, je défends l’idée que ces prélèvements ne peuvent être demandés à des personnes qui ne sont pas éligibles aux prestations sociales en France, en vertu du principe d’unicité de législation, qui forme la base du droit européen de la sécurité sociale. Malheureusement, mon amendement a été rejeté hier soir par la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale.

Dire que cela m’a surpris serait exagéré. Je savais le gouvernement hostile à ma démarche. J’ai cependant été surpris (et consterné) par les arguments invoqués : in fine, la recette de ces prélèvements serait trop importante pour que l’on se préoccupe du respect du droit européen de la sécurité sociale. Il m’a été rappelé aussi que la CSG est un impôt en droit français, une manière d’évacuer la primauté du droit européen sur le droit national. Le souhait du rapporteur était que je retire mon amendement … dans l’attente de la prochaine jurisprudence de la CJUE sur le sujet l’an prochain. Je m’y suis refusé, rappelant que la France a perdu chacune des 5 affaires sur la CSG à la CJUE depuis un premier arrêt en 2000.

Je redéposerai mon amendement en séance et le défendrai dans l’Hémicycle mardi prochain 26 octobre. La même infortune m’y attendra selon toute évidence. J’ai la conviction que la France sera condamnée de nouveau l’an prochain par la CJUE et contrainte de rembourser toutes les personnes à qui ces prélèvements auront été demandés à tort, y compris celles qui vivent hors de l’Union européenne. Le combat se gagnera en justice, comme avec l’affaire de Ruyter l’an passé. Voici plus bas le texte de mon intervention hier soir en Commission des affaires sociales. J’y ajoute la vidéo de celle-ci, ainsi que la réponse du rapporteur et l’échange avec lui.

« Mon amendement vise à la suppression des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine des personnes non-affiliées à la sécurité sociale française. Il se fonde sur la jurisprudence de Ruyter de la CJUE et du Conseil d’Etat de 2015. Que dit cette jurisprudence ? Que le droit européen de la sécurité sociale s’oppose, au terme du principe d’unicité de législation sociale, à ce qu’une personne qui n’est pas assurée sociale en France puisse s’y voir réclamer ces prélèvements. On ne doit payer de cotisations sociales et autres prélèvements affectés que dans le pays où l’on est éligible aux prestations sociales.

Le principe du remboursement avait été acté par le gouvernement l’an passé. Je regrette sa lenteur, tout comme je regrette que ce remboursement ne soit que partiel. Le Gouvernement refuse en effet de rembourser le prélèvement social de 2% prévu par l’article 1600-0 S du Code général des impôts au motif qu’il n’est pas directement rattaché au budget de la sécurité sociale, mais affecté à un fonds de solidarité. Je veux rappeler que l’absence de rattachement direct en droit français n’a pas de conséquence sur la qualification de ce prélèvement en droit européen. Ce prélèvement doit être considéré comme relié à l’une des branches de la sécurité sociale et une personne assurée sociale dans un autre Etat membre ne peut donc y être soumise.

En vertu du même raisonnement, je conteste le maintien des prélèvements concernés. L’affectation de leur recette à des prestations sociales non-contributives comme le Fonds de Solidarité Vieillesse n’est pas un argument pertinent. Le Gouvernement se fonde sur l’annexe X du règlement européen de sécurité sociale n°883/04, listant le FSV parmi les prestations non-contributives pour lesquelles les obligations du règlement sont pour la plupart inapplicables. Certes, mais le principe de soumission à la législation d’un seul Etat membre en matière de sécurité sociale reste en tout état de cause applicable. L’annexe X vise uniquement à permettre aux Etats membres d’exclure du bénéfice des prestations les personnes qui relèvent de leur régime de sécurité sociale mais ne résident pas sur leur territoire. Nous ne sommes pas du tout dans ce cas de figure ici.

La France ne peut continuer à ruser avec le droit européen de la sécurité sociale sur la CSG, la CRDS et les prélèvements. En 16 ans, nous avons perdu 5 fois à la CJUE sur la CSG et nous continuons de violer le droit européen. N’oublions pas qu’une procédure d’infraction contre la France est en cours à la Commission européenne et que la CJUE se prononcera une nouvelle fois l’an prochain, cette fois sur un renvoi préjudiciel de la Cour administrative d’appel de Douai. A ce rythme-là, ce n’est pas loin d’un milliard d’Euros que notre pays devra rembourser aux personnes concernées. Il faut en sortir. C’est le sens de mon amendement de suppression ».

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