Comme nombre de Français, les débats et le vote la semaine passée à l’Assemblée nationale sur la proposition de loi relative à l’allongement des congés des parents endeuillés par la perte d’un enfant m’ont affligé. Ce n’est pas seulement une erreur qu’ont commis le gouvernement et la majorité en s’opposant à la proposition du député UDI Guy Bricout, c’est une lourde faute. Cette proposition aurait dû être saluée et votée à l’unanimité. Il n’existe rien de pire pour des parents que la perte d’un enfant, chacun le comprend. La maladie, les accidents, les drames laissent chaque année des milliers de familles dans une douleur infinie. Là où il aurait fallu se rassembler, la joute partisane est parvenue à se glisser, conduisant à des propos d’une insigne maladresse, à des arguments incompréhensibles et à un vote final atterrant. Qu’a-t-il manqué pour que l’on en arrive là ? Il a manqué le sens commun, le lien avec la vraie vie, la volonté d’élever le débat et d’écouter humblement, humainement notre société, ses failles et ses souffrances.
La politique crève d’être désincarnée, sèche, sans émotion. De ce point de vue, le nouveau monde ressemble tristement à l’ancien, tout simplement parce qu’il n’en existe qu’un seul. J’entends que le gouvernement souhaite au plus vite rouvrir le débat, conscient a posteriori de son échec et de l’image désastreuse laissée la semaine passée. Tant mieux. Il faut saluer l’expression généreuse hier à l’Assemblée nationale de Guy Bricout, désireux d’écarter la polémique et de parvenir à un juste résultat. Il n’est pas trop tard pour agir et pour enrichir la proposition de loi dans un sens qui permette à la solidarité nationale, au-delà des entreprises, de contribuer. C’est ce que la Ministre Muriel Pénicaut exprimait au banc du gouvernement jeudi dernier … pour demander le rejet du texte. Pourquoi n’avait-elle pas tenté, dès la présentation de la proposition de loi, d’agir en ce sens avec son premier signataire, puis avec tous les groupes parlementaires ? Et si un accord est possible demain, ce dont je ne doute pas, pourquoi était-il inenvisageable avant ?
Ce qui s’est passé la semaine passée est in fine le reflet de l’archaïsme du jeu parlementaire français. Que le monde soit nouveau ou ancien, la majorité a toujours raison et l’opposition toujours tort. J’ai connu cela. Il faut bloquer par principe les propositions de loi portées par l’opposition, quand bien même elles feraient sens et pourraient prendre, par un travail commun, une grande valeur. Ce sectarisme récurrent ruine la qualité du travail législatif et sa perception par la société, au point de nourrir chez les parlementaires de l’opposition, mais aussi chez ceux de la majorité le rude sentiment de ne servir à rien. J’ai connu cela aussi. Les niches parlementaires, ces trop rares plages qui permettent aux groupes parlementaires de présenter des propositions de loi, devraient être des moments passionnants de construction législative. C’est malheureusement l’inverse. Des travaux en commission jusqu’aux débats dans l’Hémicycle, ce n’est que trop rarement que l’on marche les uns vers les autres, les uns avec les autres.
La discipline de groupe a du sens dans la vie parlementaire, mais elle ne saurait priver les députés de leur libre-arbitre et du courage de l’exercer. Il faut savoir oser lorsque l’on n’est pas d’accord. Sans doute n’est-ce pas la meilleure manière de se rendre populaire au sein de son groupe, mais c’est aussi le moyen de rester soi-même. Je me souviens d’avoir été tricard au sein du groupe socialiste pendant près de deux ans pour avoir lutté contre la suppression des classes bi-langues et des sections européennes dans le cadre de la réforme du collège. J’avais publié dans la presse un appel signé par 60 députés, depuis Les Républicains jusqu’aux communistes, franchissant une ligne avec cette coalition inattendue et contre-nature. Un collègue m’avait lancé en public : « quand vas-tu arrêter de travailler avec la droite ? ». Dans un débat budgétaire, j’avais voté avec 3 députés de mon groupe contre l’assujettissement au RSI des personnes louant leur maison via AirB&B, entraînant son rejet pour 2 voix. Le lendemain, mes collègues expliquaient avoir voulu voter pour…
Ce ne sont là que quelques anecdotes. Ces moments d’humeur et de sincérité existent. Ce qui est important, c’est de vouloir changer d’état d’esprit et d’y parvenir. La majorité et l’opposition doivent travailler ensemble, dans le respect de leurs différences et plus encore dans celui des attentes des Français. Le jeu de rôle partisan est un poison pour la vie démocratique. La fabrique de la loi peut, par-delà la légitime confrontation des idées, être marquée de bienveillance et de volonté commune d’agir. C’est à une évolution de la culture politique de notre pays qu’il s’agit d’appeler et de travailler. Cette évolution porte loin et appelle aussi le respect des rythmes législatifs et du bicamérisme là où trop souvent, voire même systématiquement désormais, l’on agit en procédure accélérée avec des études d’impact de médiocre niveau et des projets de loi de qualité juridique inégale. En 2017, l’espoir d’agir différemment s’était fait jour. Il n’est pas trop tard pour en retrouver l’esprit et la volonté, à condition d’apprendre des erreurs commises.
Les leçons d’un fiasco
Comme nombre de Français, les débats et le vote la semaine passée à l’Assemblée nationale sur la proposition de loi relative à l’allongement des congés des parents endeuillés par la perte d’un enfant m’ont affligé. Ce n’est pas seulement une erreur qu’ont commis le gouvernement et la majorité en s’opposant à la proposition du député UDI Guy Bricout, c’est une lourde faute. Cette proposition aurait dû être saluée et votée à l’unanimité. Il n’existe rien de pire pour des parents que la perte d’un enfant, chacun le comprend. La maladie, les accidents, les drames laissent chaque année des milliers de familles dans une douleur infinie. Là où il aurait fallu se rassembler, la joute partisane est parvenue à se glisser, conduisant à des propos d’une insigne maladresse, à des arguments incompréhensibles et à un vote final atterrant. Qu’a-t-il manqué pour que l’on en arrive là ? Il a manqué le sens commun, le lien avec la vraie vie, la volonté d’élever le débat et d’écouter humblement, humainement notre société, ses failles et ses souffrances.
La politique crève d’être désincarnée, sèche, sans émotion. De ce point de vue, le nouveau monde ressemble tristement à l’ancien, tout simplement parce qu’il n’en existe qu’un seul. J’entends que le gouvernement souhaite au plus vite rouvrir le débat, conscient a posteriori de son échec et de l’image désastreuse laissée la semaine passée. Tant mieux. Il faut saluer l’expression généreuse hier à l’Assemblée nationale de Guy Bricout, désireux d’écarter la polémique et de parvenir à un juste résultat. Il n’est pas trop tard pour agir et pour enrichir la proposition de loi dans un sens qui permette à la solidarité nationale, au-delà des entreprises, de contribuer. C’est ce que la Ministre Muriel Pénicaut exprimait au banc du gouvernement jeudi dernier … pour demander le rejet du texte. Pourquoi n’avait-elle pas tenté, dès la présentation de la proposition de loi, d’agir en ce sens avec son premier signataire, puis avec tous les groupes parlementaires ? Et si un accord est possible demain, ce dont je ne doute pas, pourquoi était-il inenvisageable avant ?
Ce qui s’est passé la semaine passée est in fine le reflet de l’archaïsme du jeu parlementaire français. Que le monde soit nouveau ou ancien, la majorité a toujours raison et l’opposition toujours tort. J’ai connu cela. Il faut bloquer par principe les propositions de loi portées par l’opposition, quand bien même elles feraient sens et pourraient prendre, par un travail commun, une grande valeur. Ce sectarisme récurrent ruine la qualité du travail législatif et sa perception par la société, au point de nourrir chez les parlementaires de l’opposition, mais aussi chez ceux de la majorité le rude sentiment de ne servir à rien. J’ai connu cela aussi. Les niches parlementaires, ces trop rares plages qui permettent aux groupes parlementaires de présenter des propositions de loi, devraient être des moments passionnants de construction législative. C’est malheureusement l’inverse. Des travaux en commission jusqu’aux débats dans l’Hémicycle, ce n’est que trop rarement que l’on marche les uns vers les autres, les uns avec les autres.
La discipline de groupe a du sens dans la vie parlementaire, mais elle ne saurait priver les députés de leur libre-arbitre et du courage de l’exercer. Il faut savoir oser lorsque l’on n’est pas d’accord. Sans doute n’est-ce pas la meilleure manière de se rendre populaire au sein de son groupe, mais c’est aussi le moyen de rester soi-même. Je me souviens d’avoir été tricard au sein du groupe socialiste pendant près de deux ans pour avoir lutté contre la suppression des classes bi-langues et des sections européennes dans le cadre de la réforme du collège. J’avais publié dans la presse un appel signé par 60 députés, depuis Les Républicains jusqu’aux communistes, franchissant une ligne avec cette coalition inattendue et contre-nature. Un collègue m’avait lancé en public : « quand vas-tu arrêter de travailler avec la droite ? ». Dans un débat budgétaire, j’avais voté avec 3 députés de mon groupe contre l’assujettissement au RSI des personnes louant leur maison via AirB&B, entraînant son rejet pour 2 voix. Le lendemain, mes collègues expliquaient avoir voulu voter pour…
Ce ne sont là que quelques anecdotes. Ces moments d’humeur et de sincérité existent. Ce qui est important, c’est de vouloir changer d’état d’esprit et d’y parvenir. La majorité et l’opposition doivent travailler ensemble, dans le respect de leurs différences et plus encore dans celui des attentes des Français. Le jeu de rôle partisan est un poison pour la vie démocratique. La fabrique de la loi peut, par-delà la légitime confrontation des idées, être marquée de bienveillance et de volonté commune d’agir. C’est à une évolution de la culture politique de notre pays qu’il s’agit d’appeler et de travailler. Cette évolution porte loin et appelle aussi le respect des rythmes législatifs et du bicamérisme là où trop souvent, voire même systématiquement désormais, l’on agit en procédure accélérée avec des études d’impact de médiocre niveau et des projets de loi de qualité juridique inégale. En 2017, l’espoir d’agir différemment s’était fait jour. Il n’est pas trop tard pour en retrouver l’esprit et la volonté, à condition d’apprendre des erreurs commises.