Lorsque j’étais enfant, j’avais une passion pour le Journal de Mickey. Il arrivait toutes les semaines par le courrier. Je l’attendais avec impatience. La première page était en couleur et l’intérieur en noir et blanc. En 1970 ou 1971, il y eut un concours sur ce que serait l’an 2000. J’y pris part, sans succès. Le journal était plein d’images de soucoupes volantes et d’autres engins étranges destinés à devenir notre quotidien une trentaine d’années plus tard. J’étais fasciné. J’avais envie d’y croire. Je crois bien que j’y ai cru, d’ailleurs. Pourtant, quand vint le 31 décembre 1999, aucune soucoupe volante ne me conduisit au restaurant Thoumieux à Bruxelles pour le dîner du nouveau millénaire, juste mon auto. Ce fut une soirée joyeuse, mémorable, drôle, de merveilleuse compagnie. Nous changions de siècle et ce n’était pas rien. Le lendemain, les nombreuses bulles de la veille dissipées, ma rue était la même que la veille. Le bug annoncé n’avait pas eu lieu. La vie continuait.
Ce n’est pas un jour particulier que le monde change, c’est au fil du temps. Et au long de mes cinquante (et un peu plus) années de vie, tant de choses ont changé. A la fin des années 1990, nous célébrions la disparition du communisme, la fin de la guerre froide, l’avènement de la liberté et la promesse de l’Europe. Une révolution technologique phénoménale était en marche. Elle l’est toujours, à tel point que l’on peine à imaginer aujourd’hui ce qu’était la vie sans Internet, sans IPhone, sans ordinateur. C’était pourtant il n’y a pas si longtemps. Tant de progrès, tant de possibilités. Et tant de tragédies aussi: chacun se souvient de où il/elle se trouvait le 11 septembre 2001. Le terrorisme et le fondamentalisme ont marqué le début du XXIème siècle. La prise de conscience des dangers du changement climatique pour l’avenir de la vie également. Les périls ne sont plus les mêmes, mais le monde qui change est resté dangereux.
L’an 2000, c’était il y a 20 ans. Et 20 ans, c’est une génération. Les enfants du millénaire sont devenus de jeunes adultes. L’avenir leur appartient. Cet avenir, on peut le lire avec crainte. Mais il ne tient qu’à eux (et à nous avec eux) de l’écrire différemment. Don’t stop thinking about tomorrow, chantait Fleetwood Mac. Cette chanson est un hymne à la volonté, au sursaut, à la générosité. Elle n’a pas pris une ride. Que faire? Agir, agir pour le climat, agir pour la solidarité, agir pour les réfugiés. Agir en humanité, contre les inégalités de destin, contre la fatalité, contre la haine, contre l’indifférence et l’arrogance. Agir pour le droit. L’avenir, c’est en échangeant, en se parlant, en se respectant, en s’écoutant qu’on le construira. Avec une économie et une société civile vibrantes, actives, riches de leurs initiatives, au coeur d’une démocratie qui valorise la diversité des territoires et des talents. Et qui, surtout, n’oublie personne.
Voilà mes drôles de vœux pour cette troisième décennie du troisième millénaire. Tant nous attend, tant nous engage. A vous tous, mes amis, bonne et heureuse année 2020!
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Hommage à tous les élus
Le mois passé, quelques jours avant Noël, j’avais rendez-vous dans le nord du Finistère avec le maire d’une petite commune. Je l’avais déjà rencontré quelque temps auparavant. Son dynamisme, sa volonté, sa passion contagieuse pour l’avenir de sa commune m’avaient touché. Ce matin-là, arrivant un peu en avance, je remarquais à proximité de la mairie des représentants des forces de l’ordre et la voiture du légiste. Un drame venait de se produire, faisant deux victimes. J’aurais compris que le maire annule notre rendez-vous. Je le suggérai même à son secrétariat. Mais non, il tenait à ce que notre échange ait lieu malgré tout. Je le vis arriver quelque temps après, revenant des lieux du drame. « Alors, les énergies renouvelables… », me dit-il, engageant la conversation. J’étais impressionné. Il venait de vivre – et sa commune avec lui – un moment terrible. Il était tout à notre dialogue. Dans ses yeux cependant, je percevais au détour d’un regard la peine immense de ce matin-là.
J’ai une sincère admiration pour les élus. L’avoir été moi-même durant 15 ans y contribue sans nul doute, mais pas seulement. Il y a dans l’exercice des responsabilités une disponibilité et une abnégation trop méconnues des citoyens. Ce rude jour de décembre me l’a rappelé sans fard. Les élus sont humains et ils méritent reconnaissance, par-delà toutes les étiquettes. Car des situations dramatiques comme celle que je décris, nombre d’entre eux, maires, ont eu tristement à les connaître. Des accidents, des incendies, des homicides surviennent au cours d’un mandat et c’est au maire, toujours, qu’il revient de se trouver aux côtés des secours et des forces de l’ordre. Comme il lui revient aussi de prévenir les familles. C’est une facette du mandat municipal qui est souvent ignorée et dont les élus eux-mêmes, probablement par pudeur, ne parlent que trop rarement. Elle souligne pourtant la disponibilité, toute la force morale et tout l’engagement que requiert leur charge.
Notre société est prompte à vilipender ses élus. Trop nombreux, trop défrayés, trop protégés et finalement trop tout… Au point d’occulter que la France vit aussi, et peut-être même d’abord, grâce à ce réseau formidable tissé à l’échelle de nos milliers de communes et dont le trait commun a un nom : la vocation de l’intérêt général. Cette vocation doit se transmettre. Il en va de la vitalité de notre pays. Or, pour qui aime la chose publique ou sillonne la France comme je le fais depuis un an, ce qui marque, c’est le découragement qui gagne une part des élus, une part des maires. Aux prochaines élections municipales, dans deux mois, nombre d’entre eux ne se représenteront pas. Certains parce qu’ils estiment que le moment est venu de passer la main – et c’est très honorable – d’autres parce qu’ils s’interrogent sur le sens même de leur action et sur les sacrifices personnels qui l’accompagnent. Cette réalité-là n’en est pas moins estimable. D’autant qu’elle est un vif signal d’alarme.
Un maire, cela se respecte. Et plus largement un élu aussi. A ceux qui protestent et vitupèrent sur les réseaux sociaux, tranquillement planqués derrière un écran et souvent derrière un pseudonyme aussi, je n’ai qu’une réponse : présentez-vous aux élections si vous n’êtes pas d’accord, construisez une alternative. Le reste n’est qu’une vaine et triste agitation. Mais rendre justice aux élus, c’est également attendre qu’un lien pérenne de confiance existe entre eux et les autorités de l’Etat. Tant de choses ont changé en un ou deux mandats avec l’émergence des communautés de communes et des métropoles, avec les réformes successives de la fiscalité locale. Les élus doivent être confortés, encouragés et, en effet, respectés. C’est un long sillon qu’il s’agit de tracer, ensemble, dans une logique de partenariat, dans un esprit de décentralisation renouvelée. L’action publique passe par le dynamisme des communes, des territoires et des bassins de vie.
Il n’y a pas trop d’élus en France. La démocratie est à ce prix, et en particulier la démocratie locale. Un élu peut-il changer la vie ? Non, mais il peut puissamment y contribuer. Derrière une commune qui bouge, un territoire qui vibre, il y a un conseil municipal, un travail d’équipe, un sens partagé du bien commun. Un élu, c’est aussi celle ou celui que l’on vient voir pour un conseil, une aide, un soutien. Ce lien personnel est éminemment précieux, irremplaçable dans notre démocratie. Aider, pour un élu, c’est un devoir et c’est aussi une fierté. Les meilleurs souvenirs de ma vie d’élu, ce sont ces combats gagnés pour défendre un dossier, rétablir quelqu’un dans ses droits, faire prévaloir la justice et notamment la justice sociale. Parfois après des années de travail. Tout cela, il faut le dire, l’expliquer, le raconter. Il s’agit de rendre grâce aux élus, ceux d’aujourd’hui et de demain, de faire vivre cette belle vocation de l’intérêt général et transmettre car telle est la force de la démocratie française.
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