Le mouvement des gilets jaunes est un appel à l’aide. En cet hiver 2019, plus d’un trimestre après le premier acte et deux mois après les annonces du Président de la République, sans doute en retient-on d’abord les violences du samedi, désormais que l’expression dominante semble être confisquée par quelques chapelles extrémistes, réactionnaires, complotistes ou antisémites et par une poignée de « leaders » autoproclamés sujets à l’ivresse des cimes. Ces violences et cette haine, je les condamne de toutes mes forces. Elles doivent être combattues et sanctionnées. Elles ne doivent cependant pas cacher le désarroi sincère exprimé à l’automne et qui demeure, même si les centaines de milliers de personnes qui occupaient les ronds-points pour dire leur peur de l’avenir et leur exigence d’être considérées les ont aujourd’hui désertés. Ce désarroi, il faut vouloir l’entendre, le comprendre et y répondre. Par la parole, mais plus encore dans les actes.
Oui, il y a des ruptures profondes et des inégalités criantes dans la société française, à commencer par l’inégalité de destins. Oui, il y a une France périphérique et ignorée, qui crève à petit feu, loin des villes, loin des services publics, à l’écart d’un progrès de moins en moins partagé. Oui, il y a un pays qui se désindustrialise à grande vitesse, faute de trouver sa place dans la mondialisation, faute aussi de valoriser l’entrepreneuriat, la prise de risque, la formation professionnelle et la mobilité à la hauteur des enjeux de notre époque. Tout cela, ce sont les symptômes graves d’une crise profonde qui éclate aujourd’hui et qui pourtant remonte à loin: pouvons-nous encore, Françaises et Français, faire société? Je veux croire que oui. Le grand débat nous offre la chance de tout dire, de proposer et de partager. Saisissons-là, sans procès d’intention à l’égard de qui que ce soit. Il sera temps après de juger des mérites de l’exercice et des réponses qui seront apportées.
Comme beaucoup, j’ai choisi de participer à ce grand débat. J’aimerais pouvoir répondre à toutes les questions soulevées et je sais que je ne le pourrai pas. Il faudrait des jours de réflexion et d’écriture pour cela. Je n’en ai pas le temps. J’ai choisi de traiter certaines questions parce que je les connais plus que d’autres par expérience ou par goût personnel. Je partagerai ici, sur mon blog, les réponses et propositions que je ferai dans le cadre du grand débat. Je commence aujourd’hui par la démocratie et la citoyenneté. Comme ancien élu (10 ans à l’Assemblée des Français de l’étranger, 5 ans à l’Assemblée nationale), je suis choqué par l’hostilité violente à l’égard des députés, mais aussi de l’institution parlementaire elle-même. Il y a, je pense, beaucoup à expliquer et beaucoup à changer afin que cette perception redoutable pour la démocratie représentative évolue. Voici plus bas les propositions que je souhaite faire dans ce cadre.
Rendre le vote obligatoire et reconnaître le vote blanc : des générations entières ont combattu pour le droit de vote. Des milliards d’hommes et de femmes dans le monde ne l’ont toujours pas. La démocratie commence par cela. Se désintéresser du vote et donc du destin de son pays, de sa région ou de sa commune, c’est manquer à son devoir citoyen. Le vote doit être obligatoire. Pour les Français à l’étranger, part intégrante de la communauté nationale, cette obligation doit se traduire par la généralisation et la sécurisation du vote à distance (vote par Internet) pour toutes les élections. En retour de l’obligation de vote, le vote blanc doit être séparé des bulletins nuls, décompté et présenté dans les suffrages exprimés pour toutes les élections, y compris l’élection présidentielle.
Simplifier la procédure du référendum national d’initiative partagée : le seuil actuel d’un dixième des électeurs inscrits sur la liste électorale est trop élevé et rend matériellement très improbable l’organisation du référendum. Cela représente plus de 4,5 millions de signatures à collecter. Je propose de réduire ce seuil de 10% à 5%, soit un peu plus de 2 millions d’électeurs. Je défends l’obligation en parallèle d’obtenir le soutien d’un cinquième des membres du Parlement car on ne saurait opposer le référendum et la démocratie représentative, qui reste la base de notre organisation institutionnelle. Je suis donc hostile au référendum d’initiative citoyenne (RIC). Le champ du référendum national d’initiative partagée doit couvrir les questions de politique économique, sociale, environnementale et énergétique, l’organisation des pouvoirs publics et la ratification par la France d’un engagement européen ou international. Je suis hostile à toute forme de référendum national à dimension révocatoire. La révocation d’un élu, c’est en fin de mandat, s’il se représente aux élections, qu’elle peut intervenir.
Instaurer un référendum local d’initiative partagée : les électeurs d’une commune, d’un département ou d’une région doivent pouvoir solliciter l’organisation d’un référendum sur toute question relevant de la compétence de la collectivité concernée, à l’exclusion là aussi de toute dimension révocatoire. Je propose de fixer les seuils nécessaires à l’organisation du référendum à 20% des électeurs inscrits sur la liste électorale et à 20% des élus à l’assemblée délibérative de la collectivité concernée.
Modifier le mode d’élection des députés : au-delà du résultat proprement dit des élections législatives, il est crucial pour chaque citoyen de se sentir représenté à l’Assemblée nationale. Le mode de scrutin actuel ne le permet pas. Il n’est pas normal, même si la vertu du scrutin majoritaire est de construire des majorités solides, qu’un parti obtenant 35% des suffrages au premier tour occupe 70% des sièges à l’Assemblée nationale pour 5 ans. Une réforme du mode de scrutin est nécessaire. Je propose de réduire le nombre de députés de 577 à 450 : 225 députés seraient élus à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne dans le cadre d’une circonscription nationale unique, 225 autres députés seraient élus au scrutin majoritaire uninominal à deux tours dans le cadre de circonscriptions découpées à l’échelle départementale. Ces circonscriptions ne pourraient excéder la taille d’un département sur le territoire national – il faut un député au moins par département – et d’un continent pour les députés des Français de l’étranger.
Inverser le calendrier de l’élection présidentielle et des élections législatives : la réduction à 5 ans du mandat du Président de la République et l’organisation des élections législatives dans la foulée de l’élection présidentielle ont accentué depuis 2002 le déséquilibre des pouvoirs inhérent à la Vème République et à l’élection au suffrage universel du Président de la République. Les élections législatives sont largement dévalorisées, comme en témoigne une participation électorale faible et à chaque fois en retrait. Elles ne sont qu’une confirmation du résultat de l’élection présidentielle, conduisant à une surreprésentation du parti du Président élu et à un assujettissement de la majorité parlementaire à l’exécutif. C’est un handicap pour l’action publique et son efficacité. Je propose d’inverser le calendrier et d’organiser les élections législatives deux mois avant l’élection présidentielle.
Réduire le nombre de sénateurs : la réduction du nombre de députés devrait s’accompagner d’une réduction concomitante du nombre de sénateurs. Je propose de réduire ce nombre de 348 à 250. Le mode de scrutin d’élection des sénateurs devrait être la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne dès lors que le département compte un minimum de de 2 sièges à pourvoir.
Réformer l’institution parlementaire : le Parlement doit évoluer. Il doit pouvoir mieux évaluer l’application et l’efficacité de la loi. Cela commande des moyens en temps et budgets dont il ne dispose pas. Les sommes économisées par la réduction du nombre de parlementaires devraient y être consacrées. Le travail en commission devrait être revalorisé, en particulier pour l’élaboration de la loi, et le temps de débat dans l’Hémicycle devrait être réduit en conséquence. L’organisation des travaux parlementaires devrait être déterminée un an à l’avance avec des semaines fixes de réunions de commission et des semaines fixes en circonscription ou sur le terrain.
Renforcer la complémentarité de l’action des conseils régionaux et départementaux : la France souffre d’une gouvernance trop verticale, loin de la réalité et de la diversité des situations. L’action publique doit être menée au plus près des faits et le mouvement de décentralisation initié en 1981-1982 doit être consolidé. Sans transférer davantage de compétences de l’Etat vers les collectivités territoriales, il faut créer une complémentarité entre les conseils régionaux et départementaux, qui répartisse les responsabilités, élimine tout doublon et développe les synergies. Je propose de rétablir le mandat de conseiller territorial, voté en 2011 et aboli en 2013 avant même son entrée en vigueur. Le conseiller territorial siégerait à la fois au conseil régional et départemental. Cela permettrait de réduire de moitié les 6 000 sièges de conseillers régionaux et départementaux actuels. Les élections régionales et départementales auraient lieu le même jour. Dans le cadre de leurs compétences, les conseils régionaux et départementaux seraient dotés d’un pouvoir d’expérimentation.
Définir un statut de l’élu en toute transparence : l’hostilité à l’égard des élus trouve sa source dans l’opacité, voulue ou non, autour de leur statut et de leurs indemnités. Il faut y substituer une totale transparence. Un élu, de conseiller municipal à député, doit pouvoir être indemnisé pour le temps qu’il consacre à l’action publique, voire pour la mise en parenthèse ou l’abandon de sa carrière professionnelle afin d’exercer son mandat. Concernant les parlementaires, je propose l’interdiction de toute autre activité professionnelle parallèle. Je défends le maintien de l’indemnité parlementaire à son niveau actuel car elle correspond aux responsabilités exercées et au travail déployé, tant à Paris que sur le terrain. Un soutien au retour à l’emploi doit être développé afin de sécuriser les parcours des personnes donnant un temps de leur vie à la chose publique. Se présenter à des élections et exercer un mandat est un défi, notamment lorsque l’on est indépendant ou salarié du secteur privé. Il est important que la diversité de la société française se retrouve parmi les élus, en particulier les parlementaires, ce qui requiert une juste indemnité, un régime de retraite d’élu ainsi qu’un statut ouvrant le droit à la formation et au travail à temps partiel pour les salariés et fonctionnaires exerçant un mandat local.
Limiter le cumul des mandats dans le temps : le cumul des mandats est désormais interdit par la loi et c’est très bien. Cette interdiction conquise au forceps correspond à l’attente de la société et ne doit pas changer. Il est nécessaire également de limiter le cumul des mandats dans le temps. Le principe devrait être posé de limiter à 3 le nombre de mandats exercés dans le temps. On ne pourrait ainsi être député plus de 3 législatures ou maire plus de 3 mandats. Cette obligation couvrirait tous les mandats, y compris celui de conseiller municipal.
Voici les 10 principales propositions que je fais sur la démocratie et la citoyenneté. Je souhaite par ailleurs que la réflexion s’étende sur les moyens de mettre en place, en tant que de besoin, des assemblées citoyennes (composées par tirage au sort) destinées à éclairer les collectivités territoriales sur des projets ou enjeux structurants.
Cher Pierre -Yves
En Australie nous avons évoquer des pistes en amont du grand débat programmé pour le 25 Février en présence de Mme Genetet.
Je partage beaucoup de tes suggestions:
Vote obligatoire,durée du mandat ,réduction du nombre de parlementaire ,une dose de proportionnelle etc.
Je pense également que ta suggestion d’inverser le “timing” des élections législatives par rapport aux présenditielles est une excellente piste: afin de ne pas réitérer ce qui s’est passé en 2017 et les conséquences que nous connaissons.
Merci à toi et bonne chance.
Content de te voir de nouveau sur la route. Avec de nouveaux projets.
Assez proche de tes propositions.
Sauf que je crois vraiment que tout analyse politique doit aujourd’hui partir de la compréhension de la trop forte croissance des dépenses socialement contraintes (j’ai découvert le truc en découvrant que la porte de mon garage collectif ne pouvait s’ouvrir qu’avec un smartphone, objet – laisse électronique – que j’exècre et ne possède donc pas. Et qui semble pourtant une condition de socialisation standard.
Amitiés.
Pierre
NB1 : un “appel à l’aide” de Barnaba (le voleur d’argent public) , Chalençon (le factieux violent), Drouet (l’amateur de très grosses cylindrées) ….etc … ? Je doute.
Nb 2 : à Bruxelles qq mois par an. Si tu veux un jour débattre (compagnon LREM depuis le premier jour).
Merci d’être revenu, vous nous manquiez.
Merci de vos bonnes idées…
La bêtise est la chose la mieux partagée et ce n’est pas bon qu’elle prenne le pouvoir!
Bon courage.
Merci à vous. Vous me manquiez aussi.