Comme bien d’autres amateurs de sport, enthousiasmé par notre équipe de France de rugby, j’ai regardé hier soir le match entre les Bleus et l’Afrique du Sud. Notre équipe était magnifique, sans doute d’ailleurs la meilleure dans l’histoire du rugby français. Et cette Coupe du Monde avait lieu chez nous. Nous étions des millions certainement à rêver d’un sacre, d’imaginer que les planètes s’alignent enfin et que la Coupe Webb Ellis descende bientôt les Champs-Elysées comme l’avait fait en football la Coupe Jules Rimet par deux fois déjà. Las, ce ne sera pas le cas, la faute à un petit point hier, en bout d’un match autant cruel qu’il fut d’anthologie. Les Bleus s’en vont en quarts de finale, comme en 2019, comme en 2015. Et même s’ils étaient tellement plus forts cette année. Leur déception, leur peine est immense, la nôtre à nous, supporters, l’est aussi. Il ne s’est pas fallu de grand-chose et c’est sans doute cela le plus rude. En face, il y avait de remarquables Springboks, pas champions du monde en titre pour rien, roublards quand il le fallait aussi. Le sport de compétition peut être terrible. Sans doute y eut-il quelques imprécisions de jeu, un arbitrage un peu déroutant. Mais comme la pluie ou le vent, dit l’adage, l’arbitrage fait partie du jeu. C’est la dure loi du sport.
Il y a des défaites qui touchent et c’est le cas de celle-ci tant elle s’accompagne de l’idée qu’il s’agissait pour les joueurs du match d’une vie. Comment ne pas le comprendre et y céder soi-même ? Le jour d’après est difficile, lorsque les images défilent et les regrets immanquablement aussi. Il y a cette pénalité qui rebondit sur le poteau, cette transformation arrêtée par un joueur sud-africain. La malchance existe. L’on revit certains choix, ce que l’on aurait pu ou dû peut-être faire différemment. Fallait-il chercher la pénalité, tenter un drop à l’ultime seconde? On ne le saura jamais et mieux vaut d’ailleurs ne pas trop chercher, pour que cette défaite n’accable pas, qu’elle ne soit pas torturante et que, par-delà la peine, elle construise finalement l’avenir. A mes enfants, tellement tristes ce matin, j’ai raconté combien j’avais lutté il y a 5 ans pour passer outre la tristesse insondable d’une élection perdue à 4 voix, pour ce mandat européen que je voyais comme le job d’une vie. On ne peut vivre dans l’amertume. Il faut penser au temps d’après, à ce qui viendra. Et il faut surtout apprendre. Souvenons-nous de ce qu’affirmait si justement le plus illustre des Sud-Africains, Nelson Mandela : « je ne perds jamais, soit je gagne, soit j’apprends ». Cela vaut pour le sport aussi.
Chez nous, à la maison, un beau ballon de rugby viendra bientôt rejoindre des tas de ballons ronds. Les grandes compétitions ont ceci de merveilleux qu’elles ont à l’enfance valeur d’épopées. A l’école européenne de Bruxelles, les cours de récréation – à en croire mes enfants – ressemblent au pré du Stade de France, le gazon en moins. C’est vrai qu’il y a chaque soir quelques bleus et bosses à panser. Je n’ose imaginer comment les cours peuvent bien reprendre après la mêlée ou l’essai. Antoine Dupont est un héros et concurrence aisément Jules Verne, Victor Hugo ou Pythagore à l’heure de la classe et à celle des devoirs. La Coupe du Monde de rugby prendra fin bientôt, mais elle aura fasciné tellement d’enfants, filles et garçons, annonçant l’arrivée prochaine d’une belle et généreuse moisson de jeunes talents sur les terrains d’entrainement. C’est cela, construire l’avenir. Avoir envie de découvrir un sport, l’apprendre dans ses règles et ses traditions, s’inspirer de ce qui fait sa beauté, de la technique au jeu. Comprendre et vivre ses valeurs aussi, et le rugby n’en manque pas : le fair-play, le respect de l’adversaire, la sportivité à tout moment, dans la victoire – c’est plus facile – et dans la défaite – même quand c’est dur. C’est une grande école de vie.
Samedi prochain, je serai dans les tribunes du Stade de France. J’espérais voir les Bleus. Je les aurai au cœur. Je me réjouis malgré tout de vivre le bonheur d’une demi-finale de Coupe du Monde. Cela ne m’arrivera pas souvent. Il y aura sur la pelouse nos amis anglais avec le XV de la Rose et nos vainqueurs sud-africains, les Springboks. « Tu seras pour qui ?», m’a demandé mon petit Pablo. A vrai dire, je n’en sais trop rien. Je crois que je serai pour le beau jeu, pour l’enthousiasme, pour ce qui donne à espérer et à rêver en la force du sport, en sa capacité de dépassement et de rassemblement. La période que traversent la France et le monde est suffisamment rude pour que l’on s’en souvienne et que l’on y croie. Je serai à Paris pour célébrer le rugby et son universalité. Les grandes compétitions ont ce pouvoir de fédérer, d’unir et de donner envie. Tout commence toujours dans un petit stade, un petit village ou une petite ville, loin de l’attention, par le bonheur simple et contagieux de jouer, d’apprendre et de gagner ensemble. L’histoire s’écrit ensuite, comme elle le fera demain, dans un mois, dans un an, dans quatre ans pour les Bleus. Un jour, la Coupe Webb Ellis descendra bien les Champs-Elysées. Ce moment viendra et nous serons là pour le vivre.
Magnifique texte !
Merci! Vive le sport! Ne pas oublier que Papi et Mamie ont fait connaissance en jouant au handball. Tous les deux étaient gardiens de but et Mamie a même été championne d’académie de Bretagne!