Mon petit blog va sur ses 15 ans. J’ai renouvelé aujourd’hui son abonnement sur le cloud. C’est fou comme le temps a passé si vite. Je me revois encore, fiévreusement, joyeusement aussi, imaginer son architecture, ses premières couleurs – qui étaient vertes et grises – et son contenu à venir. Je n’imaginais pas en 2009 que ce petit média que je m’apprêtais à lancer à l’appui de ma candidature à la désignation de mon parti pour les élections législatives de 2012 m’accompagnerait si longtemps et deviendrait un jour aussi central dans ma vie. Je voulais juste écrire pour faire connaître mes idées. Et puis, peu à peu, je me suis pris au jeu. Durant la longue campagne qui me mènerait à l’Assemblée nationale, je partageais mes réflexions, quelques coups de patte aussi. A quelques occasions, cela me valut un déchaînement de trolls. Il est vrai que je me protégeais peu. J’ai appris à le faire. Elu député, j’ai bien essayé de transformer le blog en un respectable site parlementaire, mais l’envie de raconter et d’argumenter était plus forte et le blog est resté. C’est par son adresse dédiée qu’à l’été 2014, après un débat vitaminé sur France 24 consacré à l’annexion de la Crimée par la Russie, je reçus des menaces de mort me visant, ainsi que mon épouse enceinte et nos deux petits garçons…
Quand ma vie parlementaire arriva à sa fin en juillet 2017, triste et fatigué, je pris la décision de ne plus écrire. Sans mandat, quel intérêt pourraient bien désormais présenter mes posts ? Que dire, sinon que cette décision fut singulièrement peu inspirée. Le blog n’était pas fermé, mais je n’y écrivais juste plus. Il ne me fallut que quelques mois pour la regretter. Certes, je publiais parfois des tribunes dans la presse, mais cet exercice était plus formel et contraint. La spontanéité de mon blog me manquait. De temps à autre, je le parcourais. Il s’ouvrait sur le même dernier message, intitulé « Merci », à destination des Françaises et Français de mon ancienne circonscription d’Allemagne, d’Europe centrale et des Balkans occidentaux. Etait-ce réellement la fin ? Devais-je revenir ? J’en avais envie. Un ami m’aida à changer le design, à désinstitutionnaliser le blog, à le faire ressembler à ce que ma vie d’après était devenue et, au fond, à qui je suis vraiment. Et un jour de janvier 2019, je repris l’aventure de l’écriture pour ne plus la lâcher. Le titre « L’avenir est à écrire », mis de côté durant mon mandat de député, revint avec un nouveau design, resté le même depuis. Tous les textes publiés ces quelque 15 dernières années sont accessibles aux lecteurs. Il y en a désormais des centaines.
Mon blog est une respiration. J’écris quand j’ai envie, quand je le sens. Comme je le fais en ce moment. Il m’arrive parfois de monter quatre à quatre les marches de l’escalier vers mon petit bureau sous le toit, porté par une idée, une réflexion, quelque chose à raconter toute séance tenante, de peur que file l’inspiration. Une heure après, ou parfois un peu plus, le texte est écrit. Je ne le publie pourtant pas immédiatement. Il faut dormir dessus, le peaufiner, le relire aussi. Cette sage précaution m’a évité à quelques reprises une faute d’orthographe bien embarrassante que ma maman, fidèle et attentive lectrice, n’aurait pas manqué de relever. J’aime aussi chercher la photo pour l’illustration. Au fil des années, je me suis constitué ma propre photothèque. J’écris sous mon toit, dans les trains, dans les gares, les aéroports. Et puis en vacances, face à la mer ou dans le silence de la montagne. J’ai besoin du silence pour écrire. C’est sans doute pour cela que j’écris souvent la nuit aussi, quand tout le monde dort, au risque parfois de terminer endormi à côté du clavier. C’est arrivé deux ou trois fois. Je ne fais jamais de plan. Je me lance. Je ne sais pas où me mènera le texte. Je sais simplement que je ne dois pas aller au-delà de 5 minutes de lecture si je veux conserver mon lecteur ou ma lectrice.
Mon blog est un hobby. C’est un modeste, mais fier travail d’amateur. Je n’ai jamais voulu le professionnaliser. Je ne suis pas un influenceur, Dieu merci ! Et je ne suis pas non plus un journaliste, même si je crois que je garderai toute ma vie le regret de ne pas l’être devenu. Ce sont mes maîtres d’école qui m’ont donné le goût d’écrire. J’aime toujours autant ce moment où la page toute blanche attend les premiers mots. Durant mes années d’études, j’ai eu la chance de pouvoir travailler l’été pour Le Télégramme de Brest. Après les maîtres d’école, mes directeurs de rédaction m’ont appris à préparer mes textes, à aller à l’essentiel pour capter l’attention et la conserver. Je leur dois beaucoup. Je voudrais aujourd’hui leur dire merci, s’ils étaient encore là. « Tu dois pouvoir écrire sur tout », me répétaient-ils. Je n’en étais pas trop convaincu. Jeté dans le bain, je m’y fis pourtant. S’occuper de la page des faits divers oblige à la précision et sans doute aussi à une forme de second degré protecteur. Je me souviens d’un touriste qui avait passé la nuit à l’hôpital de Quimper après s’être fait casser la figure au distributeur de billets. A peine sorti de l’hôpital, se promenant avec sa famille le long de l’Odet, il fut cette fois jeté – par d’autres – dans la rivière. Vraiment pas de chance. Il fallait l’écrire.
Mon blog est un journal. La différence est qu’il n’est guère secret car il a des lecteurs. Il est éminemment subjectif et les réactions, les idées, les critiques sont les bienvenues. J’en reçois et cela m’aide. Ma maman me dit à raison que mes papiers fouillés et argumentés sur le climat fichent plutôt la frousse et la déprime. Il faut aussi être léger, heureux, donner envie, rire. Cela tombe bien, c’est ma pente naturelle. Je suis plutôt de Funès que Delon, joyeux que sérieux. Depuis quelques mois, mes enfants se sont mis à explorer le blog à la recherche de souvenirs, les miens et les leurs. Ils en trouvent. Je me suis aperçu par leurs réactions et leurs questions que j’écrivais aussi pour eux sans le savoir. Ce blog est la mémoire que je leur transmets. Ils m’y retrouveront demain et bien plus tard, quand ils le voudront. J’aimerais écrire encore très longtemps. Le moment viendra de passer aussi à un premier livre. Ecrire est un partage. Le goût d’écrire que des aînés attentifs m’ont donné, je voudrais le passer à d’autres, comme un témoin que j’ai reçu et qui doit continuer son chemin. Voilà, j’avais envie de raconter tout cela aujourd’hui. Et pour l’illustrer, ce ne sera pas la photo d’une page fébrilement raturée, mais celle du printemps à l’Ile-Tudy parce qu’il n’y a rien de plus inspirant pour écrire que la beauté du monde.
Je dédie ce post à Yvonne Le Borgn’, ma maman et institutrice de cours préparatoire. A Robert Palud, Marcel Signor et Albert Quéfellec, mes instituteurs de CE2, CM1 et CM2 à l’école primaire publique de Kervilien à Quimper. A Jean Bléas et Claude Péridy, mes patrons et mentors à la rédaction de Quimper du Télégramme de Brest. Et à Danielle Seignot, Cyrille Mallet et Thomas di Luccio, pour leur soutien dans cette belle aventure de « L’avenir est à écrire ».
Continuez tant que vous le pourrez à surfer sur les mots Monsieur Leborgn’ !
C’est toujours un plaisir de vous lire
Un immense merci, cher Philippe. C’est vraiment très gentil. Votre message m’encourage!