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Il y a des jours comme cela

J’ai achevé hier une semaine de travail marquée par des déplacements à Paris, Madrid, Chambéry et de nouveau Paris. C’était une sorte de « road-rail-sky trip » de réunions passionnantes dont je me réjouissais et qui s’est à la pratique transformé en une redoutable odyssée. A Madrid, mon chauffeur de taxi s’est égaré dans les plus grandes largeurs à la sortie de l’aéroport de Barajas et m’a déposé longtemps après minuit à mon hôtel. A Lyon, mon vol très en retard m’a contraint à une marche aussi nocturne qu’humide à la recherche incertaine d’une voiture de location sur un parking lointain, avant une arrivée en Savoie autour de 4 heures du matin pour une réunion débutant à 9 heures. Quittant Chambéry hier, ma voiture a eu le bonheur de rouler sur un clou, substituant un dépannage rock and roll le long de la voie rapide, puis le passage prolongé par un entrepôt de pneus à la réunion ministérielle parisienne préparée de longue date. Je pensais alors en avoir fini de la semaine et des galères quand, montant enfin dans le train pour Bruxelles avec une tête de cocker fatigué et le week-end à l’esprit, je me suis aperçu que ma valise n’avait plus de roues… Il y a des jours, ou en l’occurrence des semaines, comme cela.

Mieux vaut en rire. C’est d’ailleurs ce que les témoins de mes aventures successives des jours passés ont fait et je ne leur en veux pas. La malchance entraîne en général un haut degré d’hilarité. Mon fils Marcos a coutume de dire affectueusement que « Papa a des misères ». Le récit de la semaine ne l’a pas démenti. Là est en effet la vérité : je suis poursuivi par une certaine poisse et, oserais-je ajouter, depuis longtemps. Je fais partie des fidèles abonnés à la scoumoune. Un jour, soucieux de me documenter sur la poisse et ses mécanismes, j’avais lu un article très sérieux publié sur le site de Doctissimo, comme si la poisse était pathologique et requérait une prompte consultation. Je n’en suis pas là, Dieu merci. La poisse est une combinaison de malchance et de distraction. Contre la malchance, on ne peut malheureusement rien. Contre la distraction, si, et j’essaie de m’y employer. Je me vois encore courir dans la rue à Paris il y a une quinzaine d’années derrière le taxi que je venais de quitter et qui filait avec dans son coffre le bagage que j’avais oublié de prendre. Ou ranger, un jour de hâte, les clés de mon appartement dans une valise avant le check in à Boston et arriver à Bruxelles sans la valise. On apprend de ses errements et certains souvenirs cuisants conduisent à une saine vigilance.

La poisse est-elle contagieuse ? Assurément non. Je me souviens cependant, à l’issue d’une année ponctuées de quelques mésaventures cocasses, de collègues de travail vérifiant discrètement que je ne voyagerais pas dans le même avion qu’eux. C’est terrible comme une réputation se construit vite. Volant un soir de Floride vers Chicago, j’avais reçu une valise sur la tête, tombée du overhead bin à la faveur de turbulences au-dessus du Mississipi, puis mes bagages avaient été perdus. Cela s’était su. Quelques semaines après, le four de l’avion de Virgin Express que nous empruntions pour nous rendre à Londres avait pris feu avec les croissants du petit-déjeuner. L’avion avait été immobilisé en bout de piste, toutes portes ouvertes, entouré de camions de pompiers. Comme j’étais celui qui avait convaincu l’équipe de voler « cheap », des regards mi-amusés, mi-inquiets s’étaient tournés vers moi. « Tu vas nous porter la poisse encore longtemps ? », avais-je entendu. La malchance n’est pas rationnelle. Le soir où je reçus les clés de mon premier appartement, la chaudière brûla. Il y a quelques années, en voyage officiel de l’Assemblée nationale, toutes les valises de la délégation étaient arrivées à Berlin, sauf la mienne. J’avais fini au petit matin dans un stock américain, n’y trouvant en janvier que de fines chemisettes de taille XXL.

Je ne suis pas Pierre Richard dans La Chèvre, mais les ressorts de la malchance à l’œuvre dans le scénario avaient résonné en moi, question d’expérience. Et la copine avec qui j’avais été voir le film au cinéma à Quimper, au temps lointain de notre adolescence, avait pris la porte de la salle dans la figure en sortant. Du coup, je me sentais moins seul. Nous en rions encore… Mon fils me dit qu’on ne s’ennuie pas avec les gens qui ont « des misères ». C’est au moins cela. La vie n’est pas monotone avec nous. Les gens qui ont la poisse sont sympas, mais si, mais si. Pour résumer, il faut en rire, y compris (et surtout) de soi-même, et faire un peu attention quand même. Se marrer aide à relativiser les moments de galère. Hier matin, avec mon pneu crevé, je n’ai pu réprimer un sourire fataliste, seul dans ma voiture de location, au bord de la voie rapide de Chambéry, dans le style « mais qu’ai-je bien fait cette semaine pour mériter cela » ? Je me suis souvenu aussi d’un fou rire, il y a longtemps, avec une amie qui s’était endormie dans les toilettes du restaurant où se déroulait la fête de Noël de son organisation. Lorsqu’elle s’était réveillée, la fête était finie et le restaurant avait fermé. On s’était dit alors qu’on était deux, et certainement tellement plus, et que la poisse, la scoumoune, « les misères » font partie du sel de la vie.

4 commentaires

  1. Outters

    Mieux vaut en rire qu en pleurer. J attends la suite côté réussite. Bonne journée

  2. C’est vrai, chère Titi. D’autres posts viendront, cette fois sur les grands moments. Il n’a pas plu sur moi tous les jours malgré la guigne de temps à autre!

  3. Bruno JE.

    Et c’est SANS lister les aventures de 11 Novembre en Belgique 🙂

    Je te mets un courriel très vite ….

    BJE

  4. Merci, cher Bruno! Il y a de nombreuses aventures à raconter. Et de bons fous rires à y accoler!

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